Alcoolique, Cristobal aurait fait vivre un enfer à Mercedes, sa maman, chez qui il vit. Il aurait voulu lui faire payer d’avoir tenté de le faire interner.
Cristobal, la quarantaine bien sonnée, pourrait sembler confus sans son regard noir qui perce par-dessus son masque. Petit, mince, pâle, les cheveux noirs plaqués sur le côté, il a mis la patience des juges de la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à rude épreuve mardi matin. L’homme comparaissait pour coups et blessures volontaires sur un membre de la famille ou une personne vulnérable ainsi que pour destruction de propriété et objets mobiliers. En l’occurrence, divers objets appartenant à sa maman, Mercedes, 84 ans, chez qui Cristobal vit toujours et qu’il n’aurait pas hésité à martyriser lors de violents accès de colère.
Il lui aurait notamment balancé un grille-pain défectueux dans les jambes et aurait menacé de détruire tout l’appartement – «Tu m’as interné, tu vas souffrir», lui aurait-il lancé – parce qu’il ne retrouvait pas ses chaussures ou si Mercedes prévenait la police ou le chassait du domicile. Minuscule, courbée sur une canne, Mercedes dit avoir peur et avoir tenté de faire interner son fils, mais là encore il se serait montré violent. Par deux fois, il aurait cassé le téléphone de la vieille dame, qui n’aurait pu appeler la police à l’aide pour le calmer que par l’intermédiaire de ses voisins. «Il boit beaucoup. Toute la journée. Parfois quatre à cinq bouteilles par jour», balbutie Mercedes. «Il ne travaille pas à cause de cela.»
Cristobal, avant de se rétracter et de reconnaître être sans emploi, avait indiqué d’un ton nonchalant être agent immobilier. À la barre, il n’était pas à une contradiction ou à une invraisemblance près, au point que le président de la chambre s’est demandé s’il n’était pas déjà sous l’empire de l’alcool. La «défense» qu’il a livrée seul, sans l’assistance d’un avocat, était pour le moins lunaire. Le quadragénaire reconnaît «faire des crises de nerfs», mais dit ne pas avoir voulu faire du mal à sa mère. «J’ai grandi comme ça, se justifie-t-il. J’ai été habitué à tout avoir. Je ne peux pas vivre tranquillement.»
«Il me manque des choses»
Interrogé sur sa situation financière, il parle des allocations familiales touchées par ses parents. Au président qui pointe son problème d’alcool, Cristobal répond qu’il y a 30 ans il ne buvait pas, avant de dévier sur sa pratique de l’e-sport et sur son niveau d’anglais pour revenir succinctement à sa consommation d’alcool. Ses propos sont décousus et fantasques. «J’ai su arrêter de fumer seul. Je ne crois pas qu’une aide psychologique puisse m’aider à arrêter l’alcool. J’ai 50 ans, je suis maltraité depuis que je suis enfant», indique-t-il au président de la 12e chambre qui tentait de le prévenir que son comportement allait le mener droit en prison s’il ne se soignait pas.
Après avoir écouté le réquisitoire du procureur, qui a demandé une amende et une peine de 15 mois de prison assortie d’un sursis probatoire avec obligation de se soigner, Cristobal a rétorqué : «Je ne me lève pas comme ça, de mauvaise humeur. Depuis petit, il me manque des choses. Une fois, je veux bien. Cela me rend fou. J’ai eu besoin d’une imprimante pour le travail, je l’ai achetée. Elle me manque depuis dix ans.»
Le procureur est convaincu que Cristobal a «besoin d’aide». Il évoque les menaces d’abord, puis les blessures infligées à Mercedes pendant de longs mois entre 2019 et 2020. «La police l’a expulsé deux fois du domicile», mais «il n’apprend rien», estime le représentant du parquet. Mercedes, «à bout de nerfs», «le protège en ne disant pas tout de ce qu’il lui fait vivre», «elle minimise les faits». «Qu’allons-nous faire de vous?, lance le représentant du parquet. On n’échappera pas à une peine de prison. Vous ne vous êtes pas rendu coupable de peccadilles.» Pourtant, le procureur n’est pas convaincu que la place de Cristobal soit derrière les barreaux. Ce dernier sera fixé sur son sort le 14 octobre.
Sophie Kieffer