Sérieusement amoché au visage, un septuagénaire avait été retrouvé dans son appartement mi-décembre 2019. Le procès s’est ouvert mardi matin devant la chambre criminelle. Un trentenaire, actuellement en détention préventive à Schrassig, se trouve sur le banc des prévenus.
C’est un coup de sifflet au petit matin qui avait alerté la voisine d’en face. Elle avait immédiatement contacté la police. Quand les secours débarquent, ce 13 décembre 2019, dans l’appartement du septuagénaire rue de l’Alzette à Esch, il est couvert d’hématomes sur le visage. Et des traces de sang mènent de la cuisine jusqu’à la chambre où un couteau à steak est retrouvé près de la tête de lit. Sur le comptoir de la cuisine : un cutter. C’est avec cet outil que la victime raconte avoir réussi à délier les trois ceintures avec lesquelles son agresseur l’avait ficelée au lit.
«J’étais peut-être un peu naïf», concède le septuagénaire qui s’est avancé, mardi matin, à la barre en s’appuyant sur une béquille. Il déclare avoir fait connaissance de Daniel M. (31 ans) il y a près de deux ans alors que ce dernier faisait la manche à Esch. Il l’avait ramené chez lui. Ce n’était visiblement pas le seul. D’autres personnes, dont d’abord la femme du trentenaire, auraient régulièrement squatté chez lui. L’enquête de voisinage avait fait état d’un véritable va-et-vient dans l’immeuble. Toujours est-il que le 12 décembre 2019 au soir, tout a dégénéré. Il n’aurait pas voulu que Daniel M. allume sa pipe à crack. Il n’aurait pas non plus voulu lui filer les 120 euros qu’il lui réclamait. «Quand j’ai parlé de la police, il a pété un câble. Il m’a donné un premier coup de poing dans le visage.» Le dossier fait état d’au moins 15 coups. «J’étais au sol, il me frappait toujours à la tête , se souvient la victime. Je souffre toujours d’acouphènes aujourd’hui.»
Après l’avoir traîné dans la chambre, Daniel M. lui aurait ligoté pieds et mains avec des ceintures. Et il aurait fouillé toutes ses armoires à la recherche de sa carte bancaire. Pour forcer à lui dévoiler son code PIN, il lui aurait ensuite mis le couteau sous la gorge. Enfin, il aurait pris le soin d’embarquer la carte SIM de son portable. Il ne serait revenu qu’un court instant dans l’appartement parce qu’il s’était trompé de banque. Les trois retraits – 90 euros au total – avaient eu lieu à 20 h 45, selon l’enquête policière. Mais cette nuit, le septuagénaire n’avait plus laissé rentrer Daniel M. Au retour de sa femme, il raconte avoir, avec elle, «barricadé la porte avec tous les meubles et le canapé». Mais sans aucun téléphone opérationnel, difficile d’appeler à l’aide. «À 5 h du matin, j’ai donc pris mon sifflet à roulette et je me suis mis à la fenêtre.»
«Il voulait ma femme»
Le septuagénaire avait été transféré à l’hôpital. Tandis qu’une patrouille de police avait intercepté Daniel M. dans la rue. Depuis, il dort à Schrassig. Dix mois et demi en prison, cela lui suffit amplement. «Je ne veux pas tirer cette affaire en longueur», a-t-il fait comprendre à l’ouverture de son procès devant la 13e chambre criminelle, mardi. En l’absence de son avocate, le tribunal lui avait proposé de repousser l’affaire à vendredi. Je suis là, même sans avocat», a-t-il insisté. Et d’ajouter : «Je veux être condamné pour sortir aussi vite que possible de prison. Ma vie est dans la main des juges.»
«Voilà à quoi ressemblait Monsieur quand la police est arrivée.» Confronté à la photo des blessures que lui brandit la présidente, le prévenu Daniel M. lâchera : «Oui, je l’ai blessé.» Il conteste toutefois avoir ligoté et mis le couteau sous la gorge du septuagénaire. «C’est son histoire. Moi aussi je peux raconter une histoire!» S’il lui a donné un coup sur le nez, c’est parce que le septuagénaire l’aurait d’abord frappé. «Il voulait ma femme. Elle allait chez lui pour avoir de l’argent. Il a tout fait pour m’avoir en prison et être seul avec elle.»
Tel un véritable moulin à paroles, Daniel M. débitera son histoire ne laissant que peu de temps à l’interprète de traduire. Il dira aussi que le septuagénaire est pédophile. Sauf que la police a vérifié cette piste. Et aucune trace de pédopornographie. À part quelques images pornographiques dans le coffre-fort, elle n’a rien trouvé.
«Drogué et alcoolisé, je suis un autre homme»
L’annonce par la présidente de la fin d’audience ne le coupera pas dans son élan. Le trentenaire repartira de plus belle: «Je demande 1 000 fois des excuses.» Quelques minutes plus tôt, il avait toutefois dit que la victime avait mérité qu’on lui casse la figure… Et cela la chambre criminelle ne l’avait pas oublié : «Votre façon de demander des excuses ne paraît pas si sincère…
– Je me suis excusé, car j’avais bu. Et quand je suis drogué et alcoolisé, je suis un autre homme.»
Suite et fin des débats vendredi matin. Entretemps, Daniel M. a de nouveau une avocate. Car elle a fini par arriver à l’audience. Et il a souhaité qu’elle l’assiste…
Fabienne Armborst