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Vol avec violence : où le crime a-t-il eu lieu?


Emil a refusé de donner l’identité de son complice, qui court toujours faute d’indices trouvés sur les lieux permettant de le relier au crime.

Circonstance aggravante ou pas circonstance aggravante? Maison habitée ou trottoir? Les faits sont limpides et pourtant leur interprétation peut changer la peine encourue par Emil.

Les affaires de vol avec violence sont légion au tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Elles concernent un collier, une montre de luxe, un smartphone ou un sac arraché en pleine rue dans la majorité des cas. Celle dont a eu à traiter vendredi matin la 12e chambre criminelle diffère des autres.

Elle a ceci de particulier que le tribunal devra déterminer s’il y a lieu d’appliquer une circonstance aggravante ou de la décriminaliser. Cette circonstance aggravante concerne le vol ou, comme dans le cas présent, une tentative de vol à l’aide de violences dans une maison habitée ou ses dépendances.

Le domicile privé doit être un lieu dans lequel on se sent en sécurité, a rappelé le premier substitut du procureur au début de son réquisitoire. Un lieu sacré que le législateur a voulu sanctuariser en instaurant cette circonstance aggravante. «Heureusement, au Luxembourg, les agressions subies en plein jour devant la porte de son domicile sont rares.» Giuseppe, la victime, fait exception.

D’abord agressé avec une arme prohibée sur le trottoir devant chez lui, il a continué à se défendre dans son garage. D’où la question de la circonstance aggravante que la chambre criminelle devra trancher avant de se prononcer le 5 décembre. Le premier substitut du procureur a requis contre le prévenu une peine de 5 ans ferme de réclusion criminelle et une amende.

Le 28 avril 2023, Emil et un complice, dont le jeune homme de 24 ans refuse de livrer l’identité, ont attaqué Giuseppe pour lui voler sa Porsche. «Je revenais d’être allé acheter des jardinières de fleurs. Je déchargeais le coffre de ma voiture. Je me suis baissé pour arracher une mauvaise herbe dans mon entrée de garage. Deux jeunes hommes se sont approchés de moi. L’un d’eux m’a dit « Excusez-moi, Monsieur! » avant de vider le contenu de leurs bombes lacrymogènes sur mon visage et de me rouer de coups», a témoigné la victime vendredi matin face à la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Il criait « La clé, la clé, donne-moi la clé! ».»

Crime ou délit?

La clé, Giuseppe n’avait pas l’intention de la lâcher. Il a rendu coup pour coup à son agresseur. Dans la bagarre, le quinquagénaire et Emil ont perdu l’équilibre et ont dévalé l’entrée de garage en pente jusque dans le garage. Le deuxième jeune homme, voyant son complice en perdition, est intervenu à son tour et a frappé Giuseppe avec le pied au visage. La bagarre a continué jusqu’à ce que la femme de ménage des voisins arrive en criant. Les deux agresseurs ont pris peur et sont partis sans demander leur reste. Giuseppe est resté groggy et abasourdi jusqu’à l’arrivée des secours.

Aujourd’hui encore, il fait le tour de son quartier avant de rentrer à son domicile par peur d’une nouvelle agression, dit-il. Giuseppe a eu beaucoup de chance de s’en être tiré uniquement avec des blessures superficielles.

Appelé à la barre, Emil a un trou de mémoire dû aux quantités et au mélange impressionnants de stupéfiants qu’il consommait à l’époque. Son casier judiciaire reflète ses errances de toxicomane. «J’étais au plus bas», s’est contenté de confier le jeune homme. «Je ne sais pas quoi faire d’autre que de présenter mes excuses à la victime.»

Le représentant du parquet a cependant du mal à croire que les deux jeunes gens se soient retrouvés par hasard devant chez Giuseppe, comme Emil semble le prétendre. «Il ne s’agit pas d’une agression commise par un toxicomane allongé au sol dans le quartier de la Gare qui essaie de voler son sac à un passant. Votre action a été planifiée et on ne peut pas planifier un tel acte quand on est complètement à l’ouest», a noté le magistrat.

Emil ne peut pas nier être l’auteur de l’agression. Son ADN a été retrouvé sur les vêtements de Giuseppe et ce dernier avait reconnu le jeune homme sur une planche de photographies d’auteurs potentiels. Il avait ensuite été extradé de France le 24 avril dernier. Me Stroesser, son avocat, a estimé que les deux jeunes hommes n’avaient jamais eu l’intention de s’introduire au domicile de Giuseppe.

Emil y aurait roulé lors de la bagarre. Quant à l’utilisation de l’arme – le gaz lacrymogène –, elle a eu lieu sur le trottoir devant la maison. Il demande donc au tribunal de ne pas retenir la circonstance aggravante et de ne condamner son client qu’à une peine correctionnelle et non pas criminelle.