Le parquet de Luxembourg a requis jeudi entre 18 mois et six ans de prison contre les prévenus poursuivis pour avoir frauduleusement soustrait du carburant à l’aide de cartes.
Depuis le début de la semaine, six prévenus à qui l’on reproche de s’être procuré illégalement du carburant auprès de différentes stations-services comparaissaient devant la 9e chambre correctionnelle. Selon le parquet, les faits sont à qualifier de «vol avec fausses clés». Mais il n’y a pas lieu de retenir l’«organisation criminelle».
Un chauffeur étant mécontent de son salaire, il m’a proposé sa carte. » C’était la version du prévenu Ionut D. devant le juge d’instruction. Ce n’est pas le seul des six prévenus d’origine roumaine âgés entre 27 et 42 ans qui a prétendu que des camionneurs lui avaient donné leur carte de carburant pour faire le plein « J’ai rencontré des chauffeurs au Luxembourg qui m’ont raconté qu’ils veulent quitter leur société », avait ainsi affirmé Vasile C. Cependant, Ionut D. est le seul à avoir reconnu à la barre avoir copié des cartes qu’on lui avait remises.
Jeudi au quatrième jour du procès, le représentant du ministère public a requis des peines de prison à l’encontre des six prévenus. Au début de son réquisitoire, il a énuméré les différentes hypothèses concernant le modus operandi avancées dans ce dossier : le skimming des cartes (copiage des données informatiques de la carte dans un distributeur), le copiage des données informatiques sur une carte vierge en dehors du distributeur et le vol de la carte avec le code PIN. « Les personnes ici sont auteurs ou utilisateurs du copiage », note le substitut principal Marc Schiltz.
La version soutenue par les prévenus au cours de l’instruction est la remise volontaire de la carte et du code PIN par les camionneurs. Sur ce point, le parquet retient : « La remise par le chauffeur est à première vue réfutable. Les chauffeurs en question ne remettent en rien leur carte ou vendent leur carburant, mais celui de leur employeur. Les chauffeurs sont donc en quelque sorte coauteurs de l’infraction. »
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Bref, pour le parquet, les faits reprochés aux six prévenus sont à qualifier de «vol avec fausses clés». Néanmoins, il estime qu’il n’y a pas lieu de retenir l’infraction de l’«organisation criminelle». « Je suis convaincu que les fraudes de carburant commises à grande échelle sur le continent européen sont souvent le fruit d’organisations criminelles. Toujours est-il que dans ce dossier-ci, il n’y a pas d’éléments suffisants pour soutenir l’existence d’une organisation criminelle. »
Même conclusion en ce qui concerne l’«association de malfaiteurs». Même si les prévenus se connaissent, dans le dossier, il n’y aurait pas de preuves de volonté de partage de butin. « Le prétendu chef s’est sali lui-même les mains pour le plus grand nombre de faits , constate le substitut principal.Personnellement, j’ai un doute quant à l’existence d’une association au sens de la législation. »
«Seuls deux prévenus ont un casier vierge»
Sur ce point, le parquet a donc rejoint les plaidoiries de la défense de la veille. Or cela s’arrête là. Car la demande de ne pas les condamner à une peine supérieure à la détention préventive qu’ils ont déjà purgée n’est pas suivie par le ministère public. « Seuls deux prévenus ont un casier vierge », a noté son représentant avant de requérir des amendes et peines d’emprisonnement.
Contre le soi-disant chef du groupe, Ionut D., le parquet requiert six ans de prison, contre Vasile C. cinq ans, contre Cristian P. quatre ans, contre Erzsebet C. deux ans et contre Madalin I. et Daniel H. 18 mois.
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En début d’audience, M e Rosario Grasso, l’avocat de la partie civile représentant la société AS24 émettrice des cartes de carburant, avait réclamé 328 000 euros de dommages et intérêts. C’est le montant qui a fait l’objet de la plainte. Sur cette somme, 219 000 euros correspondent au préjudice que la société a subi sur la seule aire de Capellen. « Ce montant a été réclamé dans une autre affaire en France, mais les juges se sont déclarés territorialement incompétents. »
Or la 9 e chambre correctionnelle n’est pas saisie de l’intégralité des faits pour lesquels la société a porté plainte. Le préjudice évalué dans l’affaire dont elle est saisie tourne autour de 20 000 euros.
Prononcé le 10 novembre.
Fabienne Armborst