Younès nie les faits, pourtant tout l’accuse. Le père de famille prendrait un peu trop ses rêves pour des réalités. Il aurait commis un viol digital et un attentat à la pudeur avec violence sur sa jeune voisine.
«Si vous dites la vérité, alors pourquoi la jeune femme est-elle allée à la police ? Pourquoi a-t-elle appelé son amie en pleine nuit ? Pourquoi a-t-elle réveillé sa mère ?», lance le juge, agacé, au prévenu qui s’entête depuis de longues minutes à la barre de la 12e chambre correctionnelle du tribunal de Luxembourg. «Vous nous dites qu’une jeune femme de 22 ans n’avait rien d’autre à faire que de vous attendre à 3h du matin pour se faire tripoter dans une cave ?» Younès est suspecté d’avoir commis un viol et un attentat à la pudeur avec violence sur sa jeune voisine dans la nuit du 9 juin 2020. Le père de famille de 46 ans se butte : «Je ne l’ai pas forcée, je ne l’ai pas frappée.»
Cette nuit-là, la jeune fille rentre chez elle vers 3h après avoir aidé une amie à réviser pour son examen de fin d’études secondaires. Younès rentre de chez un ami au même moment. Après, les versions divergent. Pour Younès, la victime lui aurait demandé une cigarette et ils auraient discuté devant leur résidence. Elle lui aurait proposé de continuer la discussion à la cave par peur que l’épouse de Younès ne les voie papoter. «Elle m’a embrassé, je l’ai embrassé», raconte le père de famille. «On ne met pas la main dans la culotte quand on embrasse quelqu’un !», s’énerve le juge. Younès s’entête jusqu’au bout. Pour lui, la victime ment, sa famille n’était pas aimée dans le quartier, il n’aurait rien fait… Puis, à demi-mot, il concède : «C’est un problème. Je suis marié, j’ai quatre enfants. Je ne veux pas que ma femme sache…» Qu’elle sache quoi ?
«Il s’est approché et m’a embrassée»
En larmes à la barre de la 12e chambre correctionnelle, la jeune fille déroule les faits tels qu’elle dit les avoir vécus. Younès lui aurait proposé de continuer de discuter à la cave à l’abri des regards de son épouse enceinte de six mois à l’époque des faits. Conciliante et ne se méfiant pas, elle accepte. «Il a commencé à me dire qu’il m’avait entendu faire l’amour avec mon petit copain et qu’il m’avait aperçue en petite tenue sur le balcon. Ce qui est faux. Il m’a demandé si je voulais de la cocaïne et il s’est approché de moi et m’a embrassée», raconte la jeune femme. Son calvaire commence. Les détails sont crus, violents.
L’homme l’aurait attrapée, balancé ses sacs et l’aurait plaquée contre le mur. «J’avais peur», se souvient-elle. Younès lui aurait abaissé son pantalon et sa culotte avant de s’agenouiller face à la jeune femme qui se serait débattue et aurait essayé de le dissuader de poursuivre son entreprise en refusant ses baisers, en protégeant son intimité, en lui rappelant qu’il est marié. Elle aurait réussi à se libérer, mais il l’aurait rattrapée et l’aurait pénétrée avec un doigt. Puis une deuxième fois. «J’avais la rampe de l’escalier en main. Il m’a entraînée dans la buanderie et il a recommencé…», poursuit la jeune femme à la respiration de plus en plus rapide. «Prenez votre temps !», lui intime le juge, «Si vous le souhaitez, nous pouvons faire une pause.»
Younès finira par lâcher prise. Selon la jeune fille, il lui aurait dit qu’elle ne devait pas hésiter à venir le trouver si elle avait besoin de quoi que ce soit. Ce récit sera corroboré par sa meilleure amie, par le commissaire de la protection de la jeunesse qui a mené l’enquête et par les résultats de l’analyse ADN effectuée sur les vêtements que portait la jeune fille cette nuit-là. Des traces de l’ADN de Younès ont été retrouvées aux endroits où la jeune fille dit que l’homme l’a touchée, des manches de sa veste à l’intérieur de sa culotte.
Quatre versions différentes
Celle qui souffre d’un syndrome post-traumatique sévère et sa maman se sont portées parties civiles. À elles deux, elles demandent plus de 30 000 euros de préjudice moral, de remboursement du traitement psychologique et de pretium doloris. Parties civiles que rejette la défense qui réclame l’acquittement de Younès, ou une peine de travaux d’intérêt général ou un sursis intégral pour le chef de viol étant donné, notamment, que la jeune femme n’aurait pas présenté de blessures gynécologiques.
Le procureur n’est pas de cet avis : les faits seraient clairement établis par les divers témoignages, dont ceux très précis, invariables et détaillés de la victime, et par les résultats de l’analyse ADN. Le prévenu, lui, «a adapté ses déclarations au fur et à mesure des avances de l’instruction» et aurait livré sa quatrième version des faits à la barre hier. «Il s’acharne à contester l’incontestable», constate-t-elle avant de requérir une peine de 4 ans de prison ferme et une amende à l’encontre de Younès. Elle ne le juge pas digne d’un sursis «étant donné son comportement durant l’audience».
Elle a par contre tenu à saluer le courage de la jeune fille d’avoir porté plainte et de devoir encore et encore faire le récit douloureux de ce qui est survenu cette nuit-là. Cela montrerait qu’il ne faut pas hésiter à suivre son exemple si on a été agressé et que la justice prend les choses en main pour aider les victimes de viols et d’agressions sexuelles et punir les auteurs.
La 12e chambre correctionnelle rendra son verdict le 24 juin.
Sophie Kieffer