En bloc, les deux prévenus avaient nié les accusations de viol. Pour eux, la jeune femme était consentante. La chambre criminelle ne les a pas crus. Ils prennent 12 ans de réclusion, dont 6 avec sursis.
Est-ce qu’elle a clairement exprimé son désaccord au moment de leurs relations sexuelles? C’était le nœud de l’affaire qui avait occupé la 13e chambre criminelle durant quatre audiences fin octobre. Sur le banc des prévenus : deux jeunes hommes âgés de 27 ans et 32 ans. Ils contestent fermement avoir violé la jeune femme dans un appartement à Mersch, le 27 juillet 2017. Selon eux, elle était consentante pour les rapports sexuels. Elle, pour sa part, affirme qu’ils l’ont «prise comme une marionnette».
Lors d’un témoignage poignant à la barre, la plaignante, âgée aujourd’hui de 28 ans, avait retracé cette fin de soirée telle qu’elle l’a vécue. À trois, ils avaient terminé dans la chambre à coucher. Ne voyant aucune chance de se défendre avec son petit gabarit, elle avait raconté avoir tenté de les ridiculiser en faisant allusion au lit IKEA dans la chambre. Elle leur avait parlé d’«un lit de princesse». Sans effet. Pendant plus de trois heures, elle aurait dû endurer leurs agissements. «Je ne pouvais rien faire du tout avec les 1,57 m que je mesure… Jamais je ne me suis sentie aussi impuissante…», avait-elle relaté, précisant leur avoir dit à plusieurs reprises «non».
«Aucune trace de violence des deux prévenus, et elle est incapable de crier. Il faut se poser des questions», avaient plaidé les avocates des deux prévenus. Un troisième homme – il était ivre et était déjà allé se coucher – se trouvait en effet dans l’appartement au moment des faits. Et c’était un ami de la jeune femme. Ce qui faisait dire à la défense que l’absence de consentement de la plaignante n’est pas prouvée.
Absence de repentir et d’introspection
Du côté du parquet, un autre son de cloche s’était toutefois fait entendre. «Je pensais ne jamais devoir le dire. Le viol, c’est quand la personne n’est pas consentante. Ce n’est pas écrit dans les textes que la victime doit mordre, griffer… dans le seul but de se ménager une preuve de sa résistance», avait débuté la représentante lors de son réquisitoire. Quant à l’absence d’hématomes sur la plaignante, il pourrait aussi y avoir une autre explication : «Elle a porté plainte le 31 juillet. Ils peuvent avoir disparu dans ce délai de quatre jours.»
Face aux deux versions dans le dossier, ce sont les déclarations de la plaignante qu’il faut croire, avait considéré la parquetière. Car celles des deux prévenus, qui auraient notamment changé en cours d’instruction, ne seraient pas crédibles. La jeune femme aurait bien manifesté son désaccord et voulait quitter l’appartement. Pour appuyer la crédibilité de ses dépositions, le parquet s’était également référé aux sept messages vocaux qu’elle avait envoyés à une amie en sortant vers 5 h 30 de l’appartement. «On entend l’émotion dans ces messages. Elle est traumatisée par les faits. C’est ce qui me convainc qu’elle se rend compte de ce qui s’est passé et qu’elle est victime d’un viol.»
Vu leur absence de repentir actif et d’introspection, le parquet avait requis 12 ans de réclusion contre les deux hommes, actuellement sous contrôle judiciaire. Conformément aux réquisitions, la chambre criminelle les a condamnés, jeudi après-midi, à cette peine. Six ans sont assortis du sursis. La circonstance aggravante du viol «en réunion» a également été retenue. Pour les juges, l’unique circonstance atténuante était leur absence d’antécédents judiciaires.
Une expertise pour évaluer le préjudice de la victime
À cette peine de réclusion s’ajoute la «destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics» dont ils sont revêtus. Ce qui ne devrait pas rester sans incidence sur leur avenir, si la décision acquiert force de chose jugée. Car l’un d’eux travaille toujours dans l’armée. «S’il est condamné, il y a destitution des titres, donc il perd son travail», avait fait remarquer son avocate.
La plaignante, qui souffre toujours d’un stress post-traumatique selon l’expert, s’était constituée partie civile. Elle réclamait autour de 144 000 euros de dommages et intérêts. La chambre criminelle a nommé deux experts pour qu’ils évaluent l’ensemble de son préjudice. En attendant, une provision de 8 000 euros lui a été allouée ainsi qu’une indemnité de procédure de 1 500 euros. Enfin, les deux condamnés doivent verser l’euro symbolique à ses parents au titre du préjudice moral et une indemnité de procédure de 500 euros. La demande de la partie civile en indemnisation des préjudices matériels, pour sa part, a été déclarée «irrecevable».
Toutes les parties ont 40 jours pour interjeter appel contre le jugement.
Fabienne Armborst