Pour le parquet, la jeune femme avait bien exprimé son désaccord et voulait quitter l’appartement ce 27 juillet 2017. Les deux prévenus l’auraient séquestrée pour la traiter «d’une façon méprisante» durant plus de trois heures…
«Je n’ai pas ressenti cela comme un acte de violence. À aucun moment, elle a dit qu’elle ne voulait plus.» À la barre de la 13e chambre criminelle, jeudi après-midi, les deux prévenus (27 ans et 32 ans) poursuivis pour viol ont campé sur leur position : les relations qu’ils ont eues avec la jeune femme dans l’appartement à Mersch le 27 juillet 2017 étaient consenties.
«Elle prétend avoir dit « non » mais elle n’a aucun hématome au corps. On ne peut donc pas parler de viol», avait renchéri Me Rischette qui défend le plus jeune des deux prévenus. Et d’insister : «On parle d’un acte sexuel qui a duré au moins deux heures. En l’absence de blessures au niveau de ses parties génitales, elle était manifestement consentante.» La défense demande l’acquittement. «Parce qu’il y a un doute sérieux sur la crédibilité de Madame.»
Même refrain, vendredi matin, du côté de Me Christen, qui défend le second prévenu : «Aucune trace de violence des deux prévenus, et elle est incapable de crier. Il faut se poser des questions», constate l’avocate. «Si on dit être violée pendant trois heures et demie dans tous les orifices…» Ce qui lui fait dire que l’absence de consentement de la plaignante n’est pas prouvée.
«La victime ne doit pas mordre, griffer…»
Du côté du parquet, un autre son de cloche s’est fait entendre. «Je pensais ne jamais devoir le dire. Le viol, c’est quand la personne n’est pas consentante. Ce n’est pas écrit dans les textes que la victime doit mordre, griffer…», a débuté la représentante son réquisitoire. Elle n’aura pas non plus manqué de revenir sur un autre élément entendu lors de la plaidoirie la veille : «Quand une femme dit « non », cela veut dire « oui »». «J’ai été choquée d’entendre cela hier!»
Pour le parquet, l’absence d’hématomes sur la plaignante peut avoir une autre explication. «Elle a porté plainte le 31 juillet. Ils peuvent avoir disparu dans ce délai de quatre jours.» Lors de l’examen médical, une seule égratignure avait été détectée dans sa bouche.
Face aux deux versions dans ce dossier, ce sont les déclarations de la plaignante qu’il faut croire, a considéré la parquetière vendredi à l’issue de quatre jours de débats. Car celles des deux prévenus, qui auraient notamment changé entre la police et le juge d’instruction, ne seraient pas crédibles. «Trois personnes qui n’ont jamais eu affaire les unes aux autres. Elles ont des relations sexuelles pendant trois heures et dans toutes les positions possibles. Cela existe uniquement dans les films pornos», a-t-elle résumé en reprenant l’image esquissée par l’avocat de la partie civile quelques minutes plus tôt.
«Comme une marionnette»
Pour le parquet, il n’y a pas de doute sur l’absence de consentement de la jeune femme : «Elle a dit clairement et de façon répétée qu’elle voulait partir.» Lors de son récit à la barre, elle avait affirmé avoir été prise «comme une marionnette». Ils l’ont traitée «d’une façon méprisante», a soulevé la parquetière tout en parlant d’un «calvaire de plusieurs heures».
Le parquet s’appuie également sur les messages vocaux que la jeune femme avait envoyés à une amie en sortant à 5 h 30 de l’appartement. «On entend l’émotion dans ces messages. Elle est traumatisée par les faits.» Et le dernier serait particulièrement parlant : «C’est une catastrophe.» «C’est ce qui me convainc qu’elle se rend compte de ce qui s’est passé et qu’elle est victime d’un viol.»
À l’infraction du viol s’ajouterait la circonstance aggravante qu’ils étaient à deux : «Le viol en réunion est très sévèrement puni.» Outre les attentats à la pudeur, le parquet demande à la chambre criminelle de retenir la séquestration. «Sans l’ombre d’un doute, on en a une. Ils ne l’ont pas laissé rentrer chez elle. Le but, c’était le viol.»
La plaignante réclame 144 000 euros
Le parquet note l’absence de repentir actif et de circonspection des deux prévenus actuellement sous contrôle judiciaire. L’un d’eux travaille toujours dans l’armée. «S’il est condamné, il y a destitution des titres, donc il perd son travail», avait fait remarquer son avocate. «L’absence d’antécédents judiciaires, c’est la seule chose qui parle pour eux», a considéré la parquetière avant de requérir 12 ans de réclusion contre les deux jeunes hommes. Elle demande par ailleurs qu’il leur soit interdit d’exercer une activité professionnelle, bénévole ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs. Enfin, le parquet demande la confiscation des draps du lit, du gel lubrifiant et du coussin.
La plaignante, âgée aujourd’hui de 28 ans et qui souffre toujours d’un stress post-traumatique selon l’expert, s’est constituée partie civile. Elle réclame autour de 144 000 euros de dommages et intérêts. Ses parents demandent l’euro symbolique au titre du préjudice moral et quelque 48 000 euros au titre du préjudice matériel.
Prononcé le 26 novembre.
Fabienne Armborst
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