Le parquet général demande des peines moins lourdes contre les trois prévenus poursuivis pour le home-jacking au printemps 2018. En première instance, ils avaient écopé de 8 à 12 ans de réclusion.
«D’un seul coup, un homme m’a ficelé les mains et un autre les pieds.» C’était le 21 mars 2018, quand la veuve de 73 ans avait été violemment tirée de son sommeil chez elle à Frisange. À l’aide d’attache-câbles, le duo l’avait ligotée afin de s’emparer du contenu de son coffre-fort. Il s’était enfui avec près de 12 000 euros et quelques cartes bancaires. En rampant tant bien que mal, la septuagénaire avait réussi à atteindre l’interrupteur de la porte du garage. Et en pyjama, elle avait rejoint le trottoir où deux voitures s’étaient arrêtées et avaient appelé le 113. «Le traumatisme me suivra jusqu’à mes derniers jours», a expliqué la victime lundi, à la barre de la Cour d’appel quand a débuté le procès des trois hommes condamnés en première instance par la 13e chambre criminelle.
Constantin M. (32 ans) et Dietmar S. (46 ans), les deux hommes qui avaient pénétré dans la maison, avaient écopé de respectivement huit et dix ans de prison ferme. Ils demandent aujourd’hui une peine moins sévère. Roman L. (58 ans), le troisième homme qui les accompagnait sur le banc des prévenus pour avoir été l’instigateur de cette expédition nocturne, avait pris 12 ans de réclusion, dont six avec sursis. Contrairement aux deux autres, il n’a pas de casier judiciaire. Un aménagement de peine était donc possible.
Le troisième homme conteste être l’instigateur
Mais il conteste fermement avoir été impliqué dans ce home-jacking en prêtant l’aide indispensable au duo. C’est la raison de son appel. «Je n’ai rien à voir avec cela», s’est-il défendu à la barre. «Comment est-ce donc possible que les deux qui ne connaissent ni la victime ni la maison les aient trouvées?», tentera de comprendre la présidente.
– «Aucune idée!»
D’après l’enquête, le quinquagénaire est en effet le seul qui connaissait la victime à l’époque. Il était très bon ami avec sa fille dans les années 80 et ils ont gardé contact par la suite. En témoignent les plus de 3 000 messages WhatsApp qui figurent au dossier. L’enquête avait également révélé qu’il était venu avec Constantin M. et Dietmar S. en voiture à Frisange depuis la Sarre peu de temps avant les faits. Grâce à cette virée lors de laquelle il prétendait avoir voulu présenter ses condoléances à la veuve, le duo était donc au courant que la septuagénaire venait de perdre son mari mi-février et qu’elle vivait seule dans la maison…
«Il se peut qu’il ait fourni les informations nécessaires concernant la victime, mais il n’a pas donné l’instruction de commettre le fait», considère Me Nora Dupont. À défaut de cette adhésion morale, l’avocate de Roman L. a plaidé mercredi après-midi l’acquittement. Et d’ajouter : «Au vu des antécédents judiciaires des deux autres prévenus, ils n’avaient pas besoin d’instructions pour cambrioler cette maison. Cette idée leur est venue sans l’instigation de Roman L.»
Ce n’est pas la position de la représentante du parquet général qui «partage entièrement l’analyse des premiers juges» selon laquelle le quinquagénaire est à l’origine de tout cela : «L’explication selon laquelle il voulait exprimer ses condoléances en compagnie du duo semble assez farfelue. Il sait pertinemment que les deux ont des problèmes financiers et ont un passé criminel. Enfin, il a montré à Dietmar S. des photos avec des meubles et bijoux. On peut se poser des questions…»
«Des faits particulièrement crapuleux»
Les premiers juges avaient retenu qu’il y a eu séquestration «pour faciliter la commission de l’infraction». Dans son réquisitoire mercredi, la représentante du parquet général a parlé de «faits particulièrement crapuleux». Néanmoins, elle n’est pas d’accord avec la gradation des peines : «J’estime qu’il faut loger tous les trois à la même enseigne.» Après avoir précisé que «12 ans» lui semblaient «surfaits», elle a donc requis autour de 8 ans de réclusion contre les trois prévenus. Elle laisse à l’appréciation de la Cour d’appel la question de savoir si Constantin M. peut bénéficier de circonstances atténuantes en raison de sa collaboration. Identifié grâce à ses traces ADN sur divers objets sur les lieux du crime, le trentenaire avait en effet aidé à faire avancer l’enquête. Pour Roman L., en raison de l’absence de casier judiciaire, il y a la possibilité d’un éventuel sursis, estime le parquet général. Le trio se trouve actuellement en détention préventive à Schrassig.
En première instance, la septuagénaire, qui s’était constituée partie civile par le biais de Me Aline Godart, s’était vu allouer 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et un peu plus de 3 500 euros au titre du préjudice matériel, soit la somme non remboursée par son assurance. Cette demande a été réitérée en instance d’appel.
Prononcé le 24 février.
Fabienne Armborst