Tété a bousculé son ami Léo dans le vide. S’il reconnaît les faits, il assure que son geste n’était pas intentionnel. Il aurait agi en état de légitime défense.
Il était aux alentours de 6 h le 15 août 2019 quand une ambulance est arrivée devant un hôtel du quartier de Belair à Luxembourg. Un jeune homme de 21 ans vient de faire une chute de 11 mètres – l’équivalent de trois étages. Inanimé au sol, il a basculé au-dessus d’une rambarde. «On était dans la chambre, on n’a rien vu. Tété est revenu dans la chambre. On est sortis, on a cherché Léo. On l’a vu au sol. Il ne bougeait plus et était inconscient. On a essayé de le réanimer. J’ai appelé les secours», se souvient David.
Une bande d’amis avait loué la chambre 31 pour y passer la nuit après avoir fait la fête dans la capitale, mais la soirée a dégénéré. «Un client de l’hôtel a dit avoir entendu du bruit dans la cage d’escalier vers 3 h du matin puis, plus tard, un cri. Il serait sorti de sa chambre et aurait vu la victime gisant au sol», indique un inspecteur qui a participé à l’enquête. Léo, la victime, dit ne plus se souvenir de la chute dans le vide, ni des circonstances. A-t-il été poussé par-dessus la rambarde ou a-t-il basculé tout seul?
À la barre de la 18e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg lundi matin, il raconte une fête qui a tourné court après que lui et ses camarades eurent titillé Tété qui dormait. Ils auraient allumé des feuilles de cigarette à proximité du visage du jeune homme et la victime l’aurait aspergé d’une sorte de cocktail pétillant de couleur bleue. Tété se serait réveillé en sursaut, une sensation de brûlure dans les yeux. «Je suis devenu hystérique, indique-t-il. Je ne voyais plus rien et je n’arrivais plus à respirer.»
Le prévenu aurait moyennement apprécié le tour joué par ses amis et aurait donné «des baffes» à Léo qui, pour apaiser la situation, lui aurait demandé de se taire et aurait quitté la chambre. Tété y aurait vu une nouvelle provocation et l’aurait suivi dans le couloir de l’hôtel. Il serait revenu dans la chambre quelques minutes plus tard pour prendre ses affaires et aurait quitté les lieux. Il venait de bousculer son ami suffisamment fort pour le faire basculer par-dessus la rambarde. En aveux, il s’est rendu à la police le lendemain des faits. «Je l’ai poussé depuis la porte. Je ne pensais pas qu’il allait perdre l’équilibre et tomber, s’excuse Tété. Je ne voulais pas en arriver là, ce n’était pas mon intention.»
Légitime défense
Tété devait répondre lundi matin des infractions de coups et blessures involontaires et de non-assistance à personne en danger. Son avocat les conteste et plaide l’acquittement. Certes Tété aurait poussé Léo, mais ce n’était pas intentionnel. «Il n’aurait pas voulu lui faire de mal. Ils sont amis d’enfance», indique-t-il. D’ailleurs, le prévenu, qui ne serait pas une personne violente, malgré son passé judiciaire, aurait agi en état de légitime défense après avoir lui-même fait l’objet de «provocations».
De même, ajoute l’avocat du prévenu, il a certes quitté les lieux, mais il y avait assez de monde pour porter assistance à la victime. L’avocat explique que, depuis les faits, le jeune homme chercherait à reprendre sa vie en main pour pouvoir obtenir la garde de son enfant. Il aurait déjà par deux fois tenté d’intégrer l’armée grand-ducale pour «se mettre au service du citoyen». Aussi espèrerait-il, pour ne pas briser cet élan, que son client ne soit pas condamné à une peine de prison – même avec sursis – si le tribunal choisissait de retenir les infractions de coups et blessures volontaires et de non-assistance à personne en danger.
Il n’est pas certain que les juges suivent l’avocat. Plus tôt, le président de la chambre avait déjà indiqué à Tété qu’il «s’en était jusqu’à présent toujours tiré avec du sursis ou des travaux d’intérêt général, mais à un moment donné, le tribunal ne pourra plus prononcer ce genre de peines s’il pense que vous êtes coupable».
Le procureur, quant à lui, pense que les deux infractions sont données. Il n’y aurait eu ni provocation ni légitime défense. Juste «une soirée qui aurait pu mal se terminer» sur «une chute qui aurait pu être mortelle». Au lieu de cela, la victime, dreadlocks et lunettes dorées de modèle aviateur, a passé quelques jours dans le coma et a subi quelques fractures dont une du fémur, réparée par une prothèse. Le prévenu était en colère et aurait poussé Léo. Il n’en serait pas à sa première condamnation pour coups et blessures volontaires. Si toutefois, les juges décidaient de ne pas retenir cette infraction, elle les prie de retenir celle de non-assistance à personne en danger. «Il est parti», note le procureur, qui requiert une peine de douze mois de prison et une amende à l’encontre de Tété.
Le prononcé a été fixé au 30 septembre prochain.
Sophie Kieffer