Les affaires se suivent, mais ne se ressemblent pas au tribunal d’arrondissement de Luxembourg. D’une salle à l’autre, l’ambiance change. Petit aperçu d’une journée ordinaire.
Quinze mois de prison ferme et une amende. Il s’agit de la peine encourue par Mikyas pour tentative d’extorsion et pour avoir volé à Baptiste un sac à dos. Le 2 juillet 2020, le jeune Belge de 17 ans et un ami font les soldes au Luxembourg. Ils sont en route pour la gare avec leurs achats lorsque deux individus les interpellent pour leur emprunter leurs téléphones. Ils doivent appeler quelqu’un. «On a tout de suite compris que c’était une excuse pour nous voler nos téléphones», se souvient Édouard, l’ami de Baptiste. Les deux jeunes hommes refusent à plusieurs reprises. Mikyas et son acolyte insistent. Les deux amis finissent par s’exécuter. «Quand ils se sont rendu compte que nos téléphones n’étaient pas sophistiqués, ils ont lâché l’affaire», poursuit Baptiste.
D’autres jeunes, une demi-douzaine, seraient arrivés et auraient encerclé puis séparé les deux amis. «Mikyas m’a demandé mon sac à dos. J’ai refusé. Il était de plus en plus pressant. J’ai refusé jusqu’à ce qu’il porte la main à sa sacoche. J’ai cru qu’il avait une arme, alors je lui ai donné le sac», rapporte le jeune homme.
De son côté, son ami est harcelé par le reste de la bande. «Ils voulaient voir ce qu’on avait acheté et nous demandaient combien d’argent on avait sur nous», témoigne Édouard, «L’un d’eux a mis la main dans ma poche pour essayer de prendre mon porte-monnaie.» Il frappe Édouard, qui esquive le coup comme il peut.
C’est à ce moment que la patronne d’un café à proximité, qui a suivi toute la scène, menace de prévenir la police. La bande se disperse et les deux jeunes se réfugient dans le café en attendant l’arrivée des forces de l’ordre, qui acceptent de les escorter jusqu’à la gare. Là, Baptiste repère son agresseur avec son sac à dos. Il décide de prévenir l’équipe de sécurité, qui elle-même prévient la police. Entre temps, Mikyas a restitué le sac à dos au jeune homme. «Le sac était vide quand il me l’a pris. Il me l’a rendu tel quel», explique Baptiste à la barre de la 13e chambre.
Mikyas, lui, n’est pas là pour présenter sa version des faits. Il est donc jugé par défaut. Le procureur estime qu’il y a bien eu extorsion et tentative d’extorsion. Baptiste et Édouard seront fixés sur le sort de leur agresseur jeudi prochain.
Elle a «perdu la tête à Strassen»
Autre salle, autre ambiance. L’affaire concernant Berthe est vite expédiée. La jeune femme ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés. Elle a fait opposition à un jugement de mars 2020 qui la condamnait. Hospitalisée à l’époque, elle n’avait pu se présenter au tribunal et avait été jugée par défaut.
Mercredi, la femme de ménage a dit être prête à assumer les conséquences de ses actes. Le 17 novembre 2018 en début de soirée, elle aurait «perdu la tête à Strassen» chez son ancien compagnon. «Pourquoi êtes-vous allée là-bas pour tout casser ?», l’interroge le président de la 12e chambre correctionnelle. «C’est inexplicable ce qu’il m’a fait ! Pour moi, détruire sa voiture, ce n’était rien par rapport à ce qu’il m’a fait», indique celle qui promet s’être calmée depuis. Le procureur a requis une peine moins sévère que lors du premier jugement. Il demande 3 mois de prison (contre 9) et ne s’oppose pas à un sursis probatoire si la jeune femme se fait suivre pour ses accès de violence. Prononcé le 15 juillet.
«Ne te retourne pas, sinon ça peut mal finir !»
Fernando est chauffeur de taxi. Dans la nuit du 7 janvier, il prend Michele en charge à Luxembourg pour le conduire au Findel. Son passager s’installe derrière lui et lui demande de s’arrêter à une station-service pour faire ses besoins. Le chauffeur s’exécute. Le prévenu ne serait pas descendu et aurait pointé un objet qui aurait pu être une arme dans le dos de Fernando. Il lui aurait demandé son argent et pris son téléphone avant de quitter le véhicule. Le chauffeur de taxi démarre en direction de la police. Son porte-monnaie, son téléphone et le voleur ont été rapidement retrouvés.
Michele est en aveux, mais se retranche derrière une consommation d’alcool inhabituelle ce soir-là et l’envie de rendre service à un de ses compagnons de beuverie. Il insiste : il n’a jamais possédé d’arme et n’en a même jamais vu de sa vie. Il aurait juste voulu récupérer un téléphone qu’un de ses camarades lui a raconté s’être fait subtiliser par Fernando. Aux policiers, ce camarade a indiqué ne jamais rien avoir demandé au prévenu, selon l’avocat de Fernando, qui demande 3 000 euros de dommages matériel et moral.
«La version du témoin ne tient pas debout !», s’énerve le prévenu. «Aucun témoin ne confirme votre version», le calme la présidente de la 13e chambre correctionnelle. Le prévenu se serait laissé manipuler, selon son avocat. De plus, aucune arme n’a été retrouvée. Michele ne peut être reconnu coupable d’avoir détenu une arme sans autorisation. Son client ayant fait deux mois de préventive et étant sous contrôle judiciaire, il demande la clémence.
Le procureur, lui, confirme la version de Fernando : il y aurait bien eu extorsion du porte-monnaie et vol du téléphone. Il se rapporte à prudence du tribunal en ce qui concerne la détention d’arme et requiert une peine de 18 mois de prison. Il ne s’oppose pas à un sursis partiel. Prononcé également jeudi prochain.
Sophie Kieffer