Trois amis rêvent d’argent facile, de vêtements de marque et de vacances au soleil. Ils sont soupçonnés d’avoir braqué des prostituées. « Des bêtises », regrettent-ils en chœur.
J’étais sur le balcon. Je fumais une cigarette. J’ai entendu mon amie crier. Je suis rentrée dans le salon. Je les ai vus avec elle. Ils nous ont menacés avec une arme», témoigne, en pleurs, une prostituée, à la barre de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Un client prenait une douche quand il s’est retrouvé nez à nez avec l’arme. «Celui qui était armé est resté avec nous. Les deux autres ont visité les pièces de l’appartement, indique-t-il. Ils ont pris l’argent que j’avais sur moi et mon smartphone.»
Le 1er octobre 2020, trois hommes armés font irruption en plein après-midi dans un Airbnb de Merl occupé par deux prostituées. Deux semaines plus tard, le 16 octobre, une troisième prostituée est agressée de la même manière dans l’Airbnb qu’elle loue dans le quartier de la Gare. À chaque fois, les trois auteurs se font passer pour des clients qui ont pris rendez-vous via un site internet dédié et repartent avec de l’argent liquide, des cartes de crédit et des smartphones.
Deux faits qui en rappellent un troisième, ou plutôt un premier, survenu en juillet 2019. À l’époque, selon la police, Walid fait partie des suspects. Il circule avec une voiture de marque allemande de couleur blanche qui a pu être repérée à proximité de tous les lieux des attaques grâce, notamment, aux caméras de Visupol. Les enquêteurs de la police passent au crible la téléphonie des victimes et remarquent qu’elles ont toutes été contactées par le même numéro français. Numéro qui a appelé deux autres prostituées du quartier de la Gare avant qu’elles soient braquées par le trio, mais sans oser prévenir la police.
Les agents du service de répression du grand banditisme restent à l’écoute. Le 7 novembre, le numéro contacte une nouvelle prostituée. La police n’a pas le temps de se rendre sur les lieux à temps, mais un avis de recherche est lancé contre la voiture. Elle est interceptée avec trois jeunes à son bord, deux pistolets d’alarme, de l’argent liquide, des cartes de crédit et un masque noir où est imprimé le dessin d’une mâchoire. Un masque décrit par toutes les prostituées.
Des vidéos trouvées sur les téléphones finiront d’incriminer les trois jeunes hommes qui se sont filmés avec leur butin. D’après les enquêteurs, leurs tenues correspondent aux vêtements portés par les auteurs au moment des faits. Des vêtements, notamment des casquettes de la marque Gucci portant l’emblème d’une abeille, qui sont retrouvés au domicile des trois jeunes. Les policiers mettent également la main sur des billets pour un voyage en Tunisie achetés en liquide l’après-midi de la première attaque.
«J’ai été stupide et crapuleux»
Une attaque prévue le 5 novembre 2020 dans un hôtel de Luxembourg est avortée au dernier moment, selon les enquêteurs. Elle permet aux policiers de suivre la voiture blanche jusqu’en France et de photographier les trois auteurs présumés. Walid, Ruda et Thomas sont assis sur le banc des prévenus. En détention préventive depuis leur arrestation, ils reconnaissent les faits. Ils ont entre 21 et 25 ans.
Le modus operandi et les conclusions de l’enquête avaient laissé peu de place au doute aux enquêteurs. Les victimes n’avaient pas été choisies au hasard. Les auteurs des faits savaient qu’elles faisaient partie d’une population qui se confie rarement à la police en cas de problème et porte encore moins plainte, selon le policier.
«J’avais entendu des jeunes du quartier raconter qu’ils avaient volé des prostituées, raconte Walid. Un soir, en boîte de nuit, je leur ai proposé de le faire. Ça a commencé comme ça.» Le trio affirme n’avoir commis que quatre attaques au Luxembourg et une en France. Ils disent avoir agi spontanément et ne pas être venus au Luxembourg «exprès pour cela». La présidente du tribunal le presse de questions : «Cela vous prend souvent de dire « on va prendre de l’essence ou fumer une chicha et après on va braquer une prostituée »?»
Walid se défend maladroitement. Absolument tout a été, selon lui, improvisé. «Chacun faisait avec ce qu’il avait. Rien n’était prévu.» «Ce que chacun trouvait, il le prenait pour lui et la fois d’après, on tournait. (…) Je ne me rendais pas compte que gagner de l’argent facile pouvait faire autant de mal. Gâcher une vie pour quelques centaines d’euros, cela ne les vaut pas», reconnaît le jeune homme de 25 ans.
Ruda explique qu’ils ont acheté les pistolets d’alarme pour se protéger après avoir été menacés par des proxénètes, mais ne comprend pas pourquoi. «Je me cherchais. Je voulais paraître le plus grand, le plus fort… C’était du paraître, rien de plus. Cela ne fait pas partie de mes codes.» Thomas, son ami d’enfance, confirme ses propos. «J’ai agi par cupidité et par bêtise. On a fait cela une fois. J’avais un peu d’argent. J’étais content», se repent-il. «J’ai été stupide et crapuleux.»
Mi