Le prévenu a vendu sa voiture à un marchand pour une somme dérisoire. Le contrat de vente est antidaté. Jerson prétend ne pas être à l’origine du faux qui a pu servir ses intérêts.
Jerson, 40 ans, est accusé d’avoir commis un faux contrat pour la vente d’une Renault Mégane en remplaçant la date du 12 décembre par celle du 10 décembre 2022. Quel intérêt avait-il de faire croire qu’il n’était plus le propriétaire de la voiture à la date du 12 décembre? C’est tout le propos de l’audience de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg d’hier après-midi.
Le 12 décembre 2022, Jerson avait porté la voiture sur une dépanneuse à une décharge où le frère de son futur acheteur travaillait comme gardien. «Il est arrivé après l’heure de fermeture et a insisté pour laisser la voiture sur place. Je lui ai dit qu’il ne pouvait pas la laisser là, alors il m’a proposé de me la vendre pour 120 euros», témoigne le jeune homme dont le frère vend des voitures d’occasion. «Après concertation avec mon frère, je lui ai donné 20 euros et je lui ai dit qu’il obtiendrait les 100 euros restants de la compagne de mon frère.»
Jerson lui a assuré que la Renault était en état de marche, mais n’avait pas de contrôle technique. Le témoin n’a pas cherché à en savoir davantage. Son frère voulait la retaper pour la revendre ensuite à un meilleur prix. «Je n’ai jamais demandé à ce que la date soit modifiée sur le contrat de vente. J’étais chez mes parents à l’étranger», explique quant à lui l’acheteur. «Ma compagne devait remplir le contrat et conclure la vente en mon absence. Elle avait procuration.»
«Le prévenu a voulu que je modifie son adresse sur le contrat ainsi que la date. Il m’a montré dix avec les mains. J’ai signé pour mon compagnon et je lui ai donné 100 euros», s’est souvenue la jeune femme à la barre de la 7e chambre correctionnelle. «Je n’avais aucun intérêt à modifier la date. Il était tard, je devais m’occuper de mes enfants. Je ne me suis pas posé plus de questions.»
Jerson prétend pourtant que l’acheteur aurait lui-même suggéré de changer la date du contrat alors qu’il était au téléphone avec sa compagne lors de la signature du contrat. «À la décharge, son frère avait déjà proposé de dater le contrat au 10 décembre», assure le prévenu.
«Ça ne fait aucun sens», s’étonne le président. «Êtes-vous certain que cela n’a rien à voir avec le fait que vous avez été contrôlé par la police dans l’après-midi au volant d’une voiture qui n’était pas assurée, qui n’avait pas de contrôle technique et dont la vignette fiscale n’était pas payée? Vous avez vendu la voiture avec des contraventions.»
Faux et usage de faux
«Je n’avais aucun intérêt à modifier la date», s’entête le prévenu. «La voiture n’a jamais circulé. Je crois que Monsieur le président ne dispose pas des bonnes informations.» L’acheteur est tombé des nues quand la police l’a contacté le 14 décembre en raison des irrégularités concernant la mise en circulation de la voiture.
«Vous avez voulu les faire endosser au nouvel acheteur», a accusé la représentante du ministère public. Le prévenu tente une dernière explication pour se dépêtrer. Le policier qui l’a entendu aurait mal interprété ses propos.
«Je ne peux concevoir un quelconque intérêt de la part des témoins à antidater le contrat», a poursuivi la magistrate avant de requérir une peine de 12 mois de prison, une amende appropriée et une interdiction de conduire de 12 mois à son encontre pour faux et usage de faux ainsi que pour les diverses infractions au code de la route. Son avocate a plaidé en faveur d’un acquittement ou d’une réduction de la peine à assortir d’un sursis intégral. Jerson n’aurait, selon elle, pas eu l’intention de nuire.
Le prévenu avait acheté un nouveau véhicule et avait par mégarde fait transférer l’assurance de la Mégane sur sa nouvelle voiture, indique-t-elle. Mégane dont il avait voulu se débarrasser alors que des travaux de voirie devaient être réalisés dans sa rue. «La police lui avait demandé de la déplacer de la voie publique.» Des justifications qui n’expliquent pas pourquoi le contrat a été antidaté.
«L’acheteur a peut-être voulu faire croire qu’il était encore au Luxembourg au moment de l’achat», a développé l’avocate qui met en doute la crédibilité des trois témoins. «La preuve que mon client est à l’initiative du changement de date n’est pas suffisamment rapportée. Ce n’est pas parce qu’on a un intérêt à faire quelque chose qu’on le fait forcément.»
De plus, la compagne de l’acheteur a commis une fausse signature sur le contrat de vente. Elle n’aurait pas compris qu’avoir procuration pour son ami signifiait qu’elle pouvait signer en son nom propre au lieu d’imiter la signature de l’acheteur. Une erreur suffisante pour que la défense doute de la crédibilité des acheteurs.
Le prononcé est fixé au 2 mai.