À cinq reprises, Rafael se serait rendu coupable d’outrage aux bonnes mœurs en s’exhibant dans le quartier de Bonnevoie. Désocialisé et alcoolisé, il n’aurait pas pensé à mal.
«Il m’a dit que si son sexe était petit, c’était parce qu’il faisait froid et que normalement il était plus grand», a témoigné Jennifer à la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, vendredi matin. La jeune femme se rendait dans un commerce de Bonnevoie en début d’après-midi quand elle a croisé la route de Rafael, qui se promenait, selon elle, le sexe à l’air. Il se serait approché de la jeune femme et l’aurait suivie dans un magasin où elle s’était réfugiée après lui avoir demandé de remettre son sexe dans son pantalon. «Il s’est mis à genoux devant mon commerce pour me supplier de ne pas appeler la police», a raconté la commerçante qui a abrité la jeune femme le 20 octobre 2020.
Quelques heures plus tard, Rafael, 32 ans, aurait remis cela près d’un supermarché du quartier. Une dame l’aurait vu se masturber cette fois. Un mois plus tard, le 28 novembre 2020, il aurait baissé son pantalon et uriné sur l’autel de l’église de Bonnevoie. Le 1er avril 2021, il aurait été vu en train de «pointer son sexe en direction des gens qui empruntaient la passerelle de la gare de Luxembourg», a expliqué une jeune femme. «Il faisait des gestes suggestifs et se masturbait. (…) Il n’avait pas l’air conscient de la situation. Cela avait l’air de l’amuser.» Trois mois plus tard, il aurait été observé par deux agents de sécurité alors qu’il se masturbait devant une école de Bonnevoie. Le parquet, qui suivait sa situation de loin, voyant que le jeune homme continuait à s’exhiber, décide alors de le placer en détention préventive pour éviter une récidive éventuelle.
Depuis le banc des prévenus, le grand jeune homme ne perd pas une miette des divers témoignages. Il connaît bien son dossier et nie s’être masturbé en public. Les trois témoins qui l’en accusent ont mal vu ou seraient de mauvaise foi, assure Rafael. Il explique avoir baissé son pantalon devant le supermarché pour s’injecter de la méthadone dans l’aine. Cette fois-là, il ne se serait pas exhibé, dit-il. Tout comme il n’aurait pas uriné sur l’autel de l’église, mais dans un coin parce qu’il n’aurait pas trouvé la sortie pour aller faire ses besoins à l’extérieur. Il ne se serait pas non plus masturbé devant l’école. La présidente de la chambre correctionnelle a pourtant l’air de prêter davantage foi aux témoins qu’au prévenu.
Il n’a voulu offusquer personne
«J’étais bourré. Je suis passé par des hauts et des bas. J’ai fait des gamineries», tente-t-il d’attendrir le tribunal. En effet, selon une infirmière de rue de Caritas appelée à témoigner par la défense, toxicomane, Rafael aurait passé la majeure partie de sa vie dans la rue et aurait petit à petit perdu les repères de la société. Elle aurait travaillé avec lui sur la notion de nudité depuis les faits. «Étant depuis longtemps sans domicile, la perception de la zone intime était difficile pour lui», a-t-elle expliqué. Lors des nombreux soins qu’elle lui a prodigués, le prévenu aurait toujours montré beaucoup de pudeur.
Son assistant social depuis quatre ans a indiqué à la barre que Rafael aurait, bien plus que d’autres personnes vivant dans la rue, besoin de soins adaptés. En août 2020, il aurait entamé un sevrage pour sa consommation de cocaïne et d’héroïne ainsi qu’une thérapie. À présent, l’assistant social aimerait pouvoir préparer Rafael à sa sortie de prison afin de faire en sorte qu’il ne retombe pas dans ses anciens travers une fois remis en liberté. Les deux témoins ont concédé avoir eu vent des tendances à l’exhibition du prévenu, mais n’avoir jamais été témoins d’aucun passage à l’acte.
Pour le parquet, le fait de vivre dans la rue n’est pas une excuse au comportement du jeune homme, qui aurait ignoré les rappels à l’ordre. L’infraction d’outrage public aux bonnes mœurs est donnée, selon la représentante du ministère public. Le jugement du prévenu n’aurait pas été altéré au moment des faits et il serait parfaitement accessible à un jugement pénal. Elle a requis une amende et une peine de prison de 12 mois assortis dans la mesure du possible, étant donné son casier judiciaire bien rempli, d’un sursis probatoire avec obligation de suivi.
Me Stoffel a soutenu les thèses de son client et des travailleurs sociaux. Elle a souligné que Rafael souffre de troubles de la personnalité et n’avait voulu offusquer ni blesser personne par son comportement. Elle a demandé aux juges de ne pas le condamner à une peine de prison trop importante afin qu’il puisse continuer de bénéficier de l’accompagnement proposé par Caritas et ainsi lui éviter toute récidive.
Le prononcé est fixé au 16 février.