Le 15 juillet 2018, une rixe sanglante avait éclaté près de la gare à Esch. Le jeune homme sur le banc des prévenus a écopé jeudi après-midi de 12 ans de prison, dont six avec sursis, pour tentative de meurtre.
«Si c’était moi qui avais porté le coup de couteau, on y aurait retrouvé mon ADN. Comment ai-je pu poignarder quelqu’un sans laisser de traces sur l’arme.» Jusqu’au bout, le prévenu Gilson V. (28 ans) avait clamé son innocence. Ce n’est pas lui qui a poignardé le jeune homme de 25 ans, ce dimanche 15 juillet 2018 en fin d’après-midi, à Esch-sur-Alzette. Son avocat avait plaidé l’acquittement, estimant que le témoignage clé et l’expertise ADN des vêtements de la victime ne permettaient pas de conclure à l’abri de tout doute que Gilson V. était l’auteur du coup de couteau…
La 13e chambre criminelle a tranché différemment. Jeudi après-midi, elle a reconnu coupable Gilson V., conformément aux réquisitions du parquet. La circonstance aggravante de la préméditation n’a pas été retenue. Il est condamné à 12 ans de réclusion pour tentative de meurtre. Les juges ont fait application de circonstances atténuantes. Cette peine est assortie du sursis à hauteur de 6 ans.
Un peu plus de 10 000 euros alloués à la victime
Placé sous le régime du sursis probatoire pour la durée de cinq ans, il a l’obligation d’indemniser la victime. Un peu plus de 10 000 euros lui ont été alloués. Lorsque la victime, blessée, avait été retrouvée par une patrouille de police dans le rond-point situé boulevard J.-F.-Kennedy, près de la gare, la lame de 11 cm du couteau était toujours plantée dans son dos. Elle avait dû être retirée sous anesthésie au CHEM. Le couteau n’avait pas pour autant permis de faire avancer l’enquête. Seul le profil génétique de la victime avait pu être mis en évidence. Les traces d’un potentiel autre contributeur étaient en trop faible quantité pour permettre une identification.
Pour que le prévenu Gilson V. se retrouve sur le banc des prévenus, les enquêteurs avaient dû récolter d’autres indices. Il y avait notamment le témoignage d’un homme qui déclarait avoir observé toute la scène. Cet après-midi-là, il rendait visite à sa mère dans le quartier. Il affirme avoir vu le coup de couteau. C’est le témoin clé dans cette affaire. À cause de lui, le procès avait été suspendu mi-juillet. Car alors qu’il était en train de témoigner à la barre, il s’était évanoui. À la police, il avait déclaré que l’agresseur était torse nu et saignait de la main. Un détail signifiant. Car le policier se souvient comment Gilson V. avait tenté de dissimuler sa main sous ses jambes le jour de son interpellation.
L’autre élément sur lequel le parquet s’était appuyé dans son réquisitoire, ce sont les traces de sang du prévenu. L’expert en identification génétique avait en effet pu mettre en évidence son ADN sur la chemisette de la victime, qui portait une veste en cuir par-dessus. L’indice montre que Gilson V. était très proche de la victime, avait estimé le parquetier. Et de conclure : «Cette trace est compatible avec le coup de couteau.» Enfin, il y a le comportement de Gilson V. après la rixe. «Pourquoi ne reste-t-il pas sur place s’il est la victime? S’il n’a rien à se reprocher, il peut rester. Mais il savait qu’avec la blessure on pourrait l’identifier…»
Le motif des lunettes cassées
«Le coup de couteau a été porté avec une certaine détermination et une grande énergie. On ne pouvait le planter plus profondément dans le dos de la victime. Il n’y avait plus que le manche qui dépassait. La victime a eu beaucoup de chance. Mais ce n’est pas le mérite de l’agresseur. Ce coup aurait pu provoquer la mort», avait récapitulé le représentant du parquet.
De l’enquête, il était ressorti qu’il y avait eu une première altercation la nuit précédente. Au cours de celle-ci, la victime avait cassé les lunettes de Gilson V. Pour le parquet, «il avait donc un motif». À la barre, il n’avait d’ailleurs pas caché avoir voulu lui asséner un coup de poing. Difficile toutefois de retenir que le coup de couteau était prémédité. Car ce n’est pas lui qui était arrivé avec l’arme sur les lieux.
Gilson V., toujours en détention préventive lors du procès, n’était pas présent jeudi pour le prononcé. Il a 40 jours pour interjeter appel.
Fabienne Armborst