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Tribunal : un défenseur des animaux dans le viseur de deux chasseurs


Faisant l'objet d'une citation directe lancée par deux chasseurs, le défenseur des animaux Armand Clesse a contesté, à la barre du tribunal de Diekirch, avoir voulu les diffamer. (Photo : archives lq/Didier Sylvestre)

C’est une véritable passe d’armes qui a eu lieu, lundi après-midi, devant le tribunal correctionnel de Diekirch. En cause, des propos tenus en février dernier lors de l’émission Background de RTL par le politologue et défenseur des animaux Armand Clesse… Deux chasseurs, dont Marc Glesener, s’estiment personnellement lésés. Ils ont lancé une citation directe pour calomnie à son encontre.

«Il fait mal sans avoir tiré une seule balle.» À cor et à cri, les deux chasseurs ont réclamé, lundi après-midi, par la voix de leur avocat Me Rosario Grasso 2 500 euros chacun au titre du préjudice moral. Dans le viseur : le politologue et défenseur des animaux, Armand Clesse (70 ans). À l’occasion de l’émission Background sur les ondes de RTL en date du 23 février 2019, il avait tenu des propos que les deux citants directs jugent «calomnieux» et par lesquels il aurait porté «atteinte à leur honneur».

«Jeeër sinn Barbaren», «D’Juegd ass doutmaachen, d’ass Mord well et ass geplangt», «D’Juegd, dat ass d’Loscht doutzemachen». Voilà une partie des propos litigieux qui font l’objet de cette citation directe dont est saisi le tribunal correctionnel de Diekirch.

Me Grasso, l’avocat des deux chasseurs, en est convaincu : «Il résulte de ses propos que les chasseurs sont des assassins alors qu’ils commettent des meurtres avec préméditation.» Et d’ajouter : «En faisant état d’Auschwitz, il met au même niveau la chasse et les chasseurs et les bourreaux de ce camp de concentration.»

Faisant, par ailleurs, état de propos tenus lors de manifestations sur la place publique fin 2013 et 2014 et qui seraient toujours visibles par vidéos sur la plateforme YouTube, il a martelé : «Monsieur Armand Clesse réitère à chaque opportunité, en public, ses propos injurieux en traitant les chasseurs d’assassins qui tuent avec pur plaisir.»

«Je ne voulais pas diffamer les chasseurs»

Des accusations qu’Armand Clesse réfute fermement : «Je ne voulais pas diffamer les chasseurs. Je parle de la chasse en général. Je veux juste prouver que les chasseurs sont des barbares.» Pour son passage à la barre, le retraité s’était préparé. Voyant ses 22 pages sur papier, le président a tenu de le mettre en garde : «Ce n’est pas un plaidoyer pour ou contre la chasse. Ici, il est question des reproches de calomnie et d’injure.»

Plus d’une fois, le président l’aura coupé : «Ce n’est pas l’objet du débat.» Ou encore : «Vous n’êtes pas obligé de vous incriminer à la barre.» Même une suspension sera ordonnée. Mais celui qui se dit «l’avocat des animaux qui n’ont pas de voix» ne se laissera pas abattre : «J’exécute ici mon obligation éthique. La chasse est un assassinat légalisé. J’espère que la chasse sera interdite. Il faut qu’il y ait une révolution éthique. L’humanité doit comprendre que c’est un crime de manger des animaux.» Sa ligne de défense : il n’a attaqué aucun chasseur personnellement.

Le parquet demande sa condamnation

Son avocat, Me Daniel Baulisch, plaidera l’acquittement soulignant que la partie adverse n’a pas qualité d’agir car elle n’est pas nommément visée : «Je ne vois pas où ils peuvent dire qu’ils sont personnellement lésés.» Selon l’avocat, la volonté de nuire ne serait pas non plus établie. Une condition toutefois essentielle si on veut retenir l’infraction de calomnie. Enfin, son client n’aurait pas fait de parallèle entre les chasseurs et les bourreaux d’Ausschwitz. Pour ce procès, il demandera une indemnisation de 750 euros pour son client.

Me Grasso n’a pas désarmé : «Le seul qui a le droit de dire que quelqu’un est un assassin est le pouvoir judiciaire.» Et d’insister : «Le droit de chasse est reconnu et réglementé par la loi du 25 mai 2011.»

Un point sur lequel le rejoindra finalement en partie le représentant du parquet. «La chasse a un cadre légal au Luxembourg. Les chasseurs exercent dans un cadre légal. Donc les comparaisons faites par Monsieur vont trop loin.» L’infraction de la calomnie n’était, selon lui, pas donnée, – l’imputation d’un fait précis faisant défaut –, il proposera subsidiairement au tribunal de retenir l’injure-délit. En ce qui concerne la peine, il se rapportera toutefois à prudence.

Prononcé le 7 février.

Fabienne Armborst