Tout ne se passe pas toujours comme sur des roulettes au tribunal. Après avoir déjà été remise plusieurs fois, une affaire de vol avec séquestration a eu du mal à démarrer ce mercredi.
Le témoin clé manque à l’appel, la victime se fait attendre, un des trois larrons n’a pas trouvé le chemin du tribunal et le deuxième serait décédé dans un hôpital en Allemagne… L’affaire commence bien. Après une première suspension de séance, des pas perdus et l’arrivée de la victime, elle peut commencer.
Le 24 janvier 2018, trois hommes ont fait irruption au domicile de Sergio, route de Thionville. Ils l’auraient séquestré, malmené et menacé pour obtenir sa voiture – une Renault – et ses cartes de crédit avec leurs codes. Ils auraient bu une bière et l’auraient forcé à signer un contrat de vente pour la voiture. Ceci fait, ils auraient quitté les lieux avec les clés du véhicule en enfermant la victime chez elle.
Sergio se serait échappé par la fenêtre par laquelle il prétend qu’un des trois auteurs présumés se serait introduit à son domicile alors qu’il dormait. Il aurait pris un bus pour se rendre au commissariat de la gare de Luxembourg et aurait vu sa voiture stationnée à proximité du centre Tox-In. Des patrouilles quadrillent la zone à la recherche des trois hommes et surveillent la voiture.
Dragan est pris le premier. Il est aussi le seul prévenu à s’être présenté à la barre, ce mercredi, et le seul à avoir encore un avocat. Les deux autres ayant jeté l’éponge. Kamel serait quelque part dans la nature et Seyed, six pieds sous terre. Quelqu’un aurait raconté à Dragan s’être rendu à son enterrement. Le prévenu serait décédé dans un hôpital en Allemagne, mais le parquet n’aurait pas encore réussi à obtenir confirmation auprès de la justice allemande. Ce qui fait dire à la présidente de la 9e chambre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg que, le cas échéant, si la preuve du décès ne leur parvient pas à temps, ils allaient peut-être condamner un mort.
Une histoire de fenêtres
Plus tard dans la soirée des faits, la police arrête quatre personnes. Deux d’entre elles sont identifiées par la victime comme étant les deux prévenus qui manquent à l’appel. La voiture est passée au peigne fin. Les policiers y trouvent, entre autres, des pieds de biche et du gaz lacrymogène.
L’enquête débute et une première incohérence saute aux yeux des enquêteurs. La victime dit être sortie de chez elle par une fenêtre arrière de son appartement. Celle-là même par laquelle elle dit qu’un des prévenus se serait introduit à son domicile. Or, l’enquête se souvient que la fenêtre est à oscillo-battant et une pile de valises est disposée juste devant, de sorte qu’il est impossible de l’ouvrir entièrement, voire d’y accéder. Comment la victime a-t-elle pu sortir?, s’interroge le policier. La victime aurait dit aux enquêteurs avoir placé les valises à cet endroit pour empêcher qu’un éventuel cambrioleur ne rentre chez elle.
Autre fait troublant, deux jours après les faits, la victime serait revenue au commissariat avec l’original du contrat de vente de sa voiture. Elle l’aurait trouvé dans la boîte à gants de la voiture qu’elle avait récupérée entretemps. Or, l’enquêteur est formel : le contrat ne se serait pas trouvé à cet endroit quand il a cherché des indices dans la voiture.
Tout le monde est impatient d’entendre la version de la victime. Mais Sergio, qui vit à présent à Munich, a du mal à s’exprimer en français et en allemand. Il a besoin d’un interprète pour se faire comprendre. «Ce n’est pas vrai!, lance Dragan. Il parle très bien français. J’ai parlé avec lui le soir des faits.» La présidente interrompt l’audience le temps de trouver un interprète. Impossible, il n’y en a pas de disponible et en faire venir un prendrait trop de temps. La présidente, après avoir repris l’audience, décide de la suspendre pour de bon cette fois. L’affaire doit reprendre cet après-midi.
Sophie Kieffer