C’était jour de lessive à la 13e chambre criminelle, jeudi. Telles des louves, trois sœurs ont défendu les intérêts de leurs enfants. Certaines en frappant sous la ceinture.
Si les faits n’étaient pas aussi graves, on pourrait sourire de la tournure de telenovela qu’a pris le procès hier. La maman et une des tantes d’Alberto ont apparemment confondu le tribunal avec une machine à laver dans laquelle elles lavent leur linge sale en famille.
Avant cela, Michael a essuyé le feu des questions de Me Pim Knaff, l’avocat de son cousin Alberto. «N’est-il pas venu au Luxembourg parce que son père les violait lui et sa sœur?», «Qui faisait la lessive?», «Quel était son rituel après les viols?», «A-t-il eu des relations homosexuelles après les faits?», a mitraillé l’avocat. Le jeune homme de 29 ans accuse son cousin de 43 ans de l’avoir violé par pénétration anale entre ses 12 et ses 15 ans, d’août 2004 à août 2006. Michael a attendu 2018 pour dénoncer les faits.
La 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et la défense d’Alberto s’interrogent sur les raisons de ce long silence, d’autant plus que le prévenu nie les faits et accuse Michael de mentir par vengeance. Sans papiers jusqu’en 2013, la victime présumée assure avoir eu peur d’être renvoyé en Équateur s’il dénonçait les viols. À la barre hier, il a expliqué penser que personne ne pouvait l’aider.
Sa maman craignait, elle aussi, d’être expulsée si elle entamait des démarches judiciaires contre son neveu. Michael se serait confié à elle en 2011. «Avant, il me disait que tout allait bien», répond-elle à la présidente de la chambre criminelle. Elle avait vu le sang dans la cuvette des toilettes, mais pensait qu’il s’agissait des menstruations de sa fille. La mère de famille ne sait pas non plus pourquoi son compagnon avait refusé l’accès à leur domicile au prévenu et reconnaît ne pas s’être posé de questions. Jamais. Elle n’a jamais non plus tenté de confronter Alberto ou sa sœur au sujet des agressions sexuelles que son fils dit avoir subies.
Maria, la sœur de Michael, non plus n’a pas cherché à savoir ce qui se passait. «J’avais mes propres problèmes à l’époque, une forte dépression, et je n’avais pas la force de m’occuper de mon frère», se justifie la trentenaire. «Michael m’a dit qu’Alberto lui faisait du mal. (…) Mon frère essayait de le fréquenter le moins possible.» Maria était loin de se douter de ce que son frère subissait.
La maman d’Alberto, Juanita, également citée à témoigner, a indiqué – après avoir tenté de noircir le tableau de son neveu – n’avoir appris pour les agressions sexuelles présumées qu’une fois convoquée par la police. Michael et sa maman ont pourtant rapporté qu’une réunion familiale avait eu lieu à l’époque des faits après que l’adolescent a cherché de la protection auprès de sa grand-mère qui en aurait parlé à Juanita. Alberto l’avait giflé pour l’empêcher de parler, a témoigné Michael mercredi. Juanita l’avait calmé avant que sa maman n’ait pu intervenir. Selon la maman d’Alberto hier, Michael a reçu une gifle pour le punir d’avoir été violent avec une de ses cousines. La réunion serait une invention.
Les deux tantes liguées contre Michael
Le procès bascule davantage dans le sordide. Interrogé sur les raisons que pourraient avoir Michael et sa famille de mentir, Juanita balance : «Michael et Maria ont été violés par leur père. Quand ils sont arrivés au Luxembourg, ils étaient traumatisés.» «Pourquoi Michael accuse Alberto? Qu’en retire-t-il?», demande la présidente de la chambre criminelle. La victime présumée avait assuré à la barre ne jamais avoir subi de violences sexuelles de la part de son père. Les deux sœurs s’accusent mutuellement de mentir. Le ton monte.
Le procureur résume : «Donc Michael accuserait son cousin parce qu’il a été abusé par son père.» Il demande : «Marcella a dit qu’Alberto l’avait également agressée sexuellement. Quel intérêt avait-elle de l’affirmer?» – «Michael l’a manipulée», tente Juanita qui défend son fils coûte que coûte.
Lorena, la troisième sœur, en rajoute une couche en révélant un secret peu glorieux sur le passé de la maman de Michael et assure avoir «ressenti la nécessité morale de venir soutenir Alberto». Selon elle, Michael porte de fausses accusations parce que «les enfants ont été instrumentalisés par leur mère» et pour «une question d’argent». «Michael frappait sa mère quand il avait besoin d’argent. Il a fait du chantage à son beau-père pour en obtenir, prétend Lorena. Il n’a honte de rien et il arrive à avoir de l’emprise sur les autres. Il a voulu mettre toutes les chances de son côté pour avoir gain de cause.» «Alberto a-t-il de l’argent?», interroge la présidente. – «Il travaillait clandestinement en Espagne.» «Michael sait que sa maman et ses sœurs le soutiennent», rétorque le témoin de la défense. «Le fait qu’il ait été violé par son père ne lui donne pas le droit de détruire les autres», poursuit Lorena avant d’asséner que «Marcella est la demi-sœur de Michael. Ma nièce l’a eue après avoir été violée par le père de Michael.»
Le procès se poursuit ce matin avec le témoignage d’Alberto, la plaidoirie de la défense et le réquisitoire du procureur.