Me Ranzenberger a ouvert le marathon des plaidoiries, jeudi. Selon lui, s’il y a un fait incontestable dans cette affaire, c’est la vantardise de son client, Boban B. Pour rappel, le parquet a requis mercredi 20 ans de réclusion ferme contre lui.
« Mon client est un imbécile arrogant. Cette arrogance l’a amené à se vanter tout au long de l’affaire. De sorte que le dossier est truffé d’éléments non corroborés.» Me Arnaud Ranzenberger n’a pas mâché ses mots, jeudi matin, au début de sa plaidoirie. «Vous devez faire le tri entre ce qui relève du fantasme et de la réalité», a lancé la défense du principal prévenu aux juges. Depuis son arrestation fin octobre 2015, Boban B. a changé plusieurs fois d’avocat. «J’ai été désigné par le bâtonnier dans cette affaire. Il s’agit d’une assistance judiciaire. Je ne suis pas rémunéré par les Hells Angels», a d’emblée prévenu Me Ranzenberger.
Trafic de marijuana et de cocaïne, usage de faux, escroquerie, blanchiment… la liste des infractions reprochées par le parquet est longue. Me Ranzenberger ne s’est pas attardé sur les 20 ans de réclusion ferme requis, la veille, contre son client. «Le trafic de marijuana est le volet le plus consistant où il y a vraiment des éléments contre mon mandant», considère-t-il. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faudrait suivre l’intégralité des conclusions du parquet. L’avocat conteste ainsi que son client ait été cultivateur de cannabis. Tout ce que Boban B. aurait fait, c’est se vanter aux agents infiltrés de sa capacité d’investir 150 000 euros dans une plantation : «Il n’a eu de cesse de se faire mousser face aux agents. Il reprenait des éléments qu’il avait pu glaner. Mais il n’y a pas un fait qui accrédite la thèse qu’il a investi dans des plantations.»
Selon Me Ranzenberger, le tribunal peut uniquement asseoir sa condamnation sur le trafic de marijuana. Mais encore faudrait-il ramener l’ampleur des quantités avancées par le parquet dans de justes proportions. Car l’avocat n’est pas d’accord quand le substitut principal dit que le «chef d’orchestre» Boban B. aurait importé et vendu 160 kg ou 300 kg de marijuana : «C’est une extrapolation qui est faite ! Partir du postulat que lors de chaque voyage, on a importé 8 kg de marijuana, ça c’est de la conjecture !» Pour preuve, il additionne les quantités que les revendeurs identifiés reconnaissent avoir vendues. «On arrive à 30 kg. On est loin des 160 kg et des 300 kg dont parle le parquet !» Bref, selon la défense, les quantités vendues auraient tourné autour des 75 kg.
«Ne partez pas dans le délire des 1,4 million !»
Si la défense est d’accord que le tribunal correctionnel condamne Boban B. pour trafic de marijuana, pour le trafic de cocaïne, elle fait entendre un autre son de cloche. «C’est un fait que Boban B. a gagné de l’argent avec de la drogue, qu’il a voulu passer à la vitesse supérieure et qu’il s’est approché des Hells Angels, à cette fin d’ailleurs», récapitule Me Ranzenberger. Il constate toutefois l’absence de preuves : «Il faudrait au moins une transaction pour asseoir une condamnation, surtout après une enquête d’une telle ampleur.»
Dans son réquisitoire, le substitut principal a parlé d’une «organisation structurée où rien n’est laissé au hasard». La défense s’oppose à ce que le tribunal retienne la circonstance aggravante de l’association de malfaiteurs. Même si elle reconnaît qu’il y a une certaine forme de professionnalisme au niveau du mode opératoire entre «le petit arrogant» Boban B. et son «pion» Kevin K. En revanche, les relations avec les grossistes seraient des relations «acheteur-vendeur». Et les revendeurs, de simples clients.
Enfin, Me Ranzenberger demande de retenir le blanchiment de l’argent sale dans la proportion des 600 000 euros. «Ne partez pas dans le délire de 1,4 million d’euros !», glisse-t-il aux juges. Il insiste : «Boban B. est un pauvre imbécile arrogant qui s’affiche et fait le malin. Ce n’est pas le comportement d’un mafieux», reprenant par là les termes du parquet. «Car un mafieux aurait fait profil bas. Et on ne l’aurait jamais retrouvé.» «Condamnez mon client pour ce qu’il a fait. Mais pas pour le fantasme de ce qu’il aurait pu faire.» Voilà la conclusion de Me Ranzenberger.
Ce n’était que le début du long marathon des plaidoiries. Les débats se poursuivaient vendredi matin.
Fabienne Armborst