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Trafic de drogue à Wasserbillig : « Une vraie organisation criminelle »


Les 21 prévenus font partie du réseau de stupéfiants nigérian de Wasserbillig démantelé en 2015, estiment les enquêteurs. (photo archives police grand-ducale)

Pour les enquêteurs, il n’y a pas de doute : les 21 prévenus font partie du réseau de stupéfiants nigérian de Wasserbillig démantelé en 2015. Décryptage.

Lors de leurs auditions, les 21 prévenus dans ce procès ont tenté de minimiser leur implication et contacts entre eux. Mercredi lors de la sixième audience, l’enquêteur principal a présenté les conclusions de son équipe : les prévenus ont agi au cœur d’une organisation criminelle. Un point qui aura son importance au moment de la détermination de la peine.

« Dans l’organisation de ce réseau, il y a deux groupes de personnes. Celles qui permettent le trafic de drogues et qui en tirent profit et celles qui font les sales besognes. » Pour les enquêteurs, quatre personnes se dégagent à la tête de cette organisation criminelle. «Les quatre profitent l’une de l’autre», expliquait l’enquêteur de la police judiciaire, mercredi après-midi.

La première d’entre elles ne se trouve pas sur le banc des prévenus. Il s’agit de l’homme qui approvisionnait une fois par semaine Henry P. en produits stupéfiants à son domicile à Athus. «Sans cette livraison régulière d’Anvers, Henry P. n’aurait pas pu aller vendre quotidiennement ses produits aux occupants du G33 à Wasserbillig», considère l’enquêteur.

La deuxième personne jouant un rôle clé dans ce réseau de stupéfiants nigérian de Wasserbillig est le prévenu Henry P. «Entre le 3 juillet et le 26 octobre 2015, il est venu 114 fois à Wasserbillig dans la matinée. L’après-midi, il approvisionnait les cafés à Luxembourg.» Pour les enquêteurs, il n’y a aucun doute que ces livraisons ont eu un impact important sur le trafic de cocaïne au Luxembourg. Selon leurs calculs, il aurait ainsi livré 48 kg de cocaïne coupée. «Pour un pays comme le Luxembourg, ce sont des quantités de cocaïne extraordinaires.»

«Des soldats sur le champs de bataille»

Joseph E., le propriétaire du «G33» à Wasserbillig, est le troisième homme cité par les enquêteurs. «Avec son bunker, il a créé une structure favorable.Car ses locataires y étaient relativement protégés de la police.» L’enquête a révélé qu’à l’abri des regards il était possible de réceptionner, de cacher, de proportionner et de couper les drogues au «G33». «Tous les jours, Joseph E. accueillait Henry P. avec ses drogues. Il a soutenu le trafic de drogues et en a profité.» Toujours selon les enquêteurs, Joseph E. est l’homme qui donnait les directives aux 18 revendeurs qui se trouvent sur le banc des prévenus. Sur son iPad, toute une série d’instructions allant dans ce sens ont été retrouvées. «This bunker will never abandon any soldier», retient ainsi une note. Et quand un soldat tombait sur le «champ de bataille», une contribution de cinq euros était collectée auprès des locataires.

Enfin il y a Bekky T. qui gérait, contrôlait l’accès au «G33» et encaissait l’argent des locataires. «Elle aussi savait que les locataires finançaient leur loyer par le trafic de drogue», récapitule l’enquêteur.

Les 18 autres prévenus dans ce procès ont vendu les drogues dans le quartier de la Gare à Luxembourg. Selon les mots de Joseph E., ce sont les «soldats qui se trouvaient tous les jours sur le champ de bataille».

«Ils ont fait les sales besognes», note l’enquêteur en précisant qu’ils ne faisaient pas seuls le business, car «ils agissaient dans une zone complètement sous contrôle des Nigérians». Il poursuit : «On ne parle pas de Nigérians qui se trouvent par hasard au Luxembourg. Tous ont déjà séjourné dans d’autres pays européens. Sans doute se connaissaient-ils déjà avant.»

L’arrestation de Joseph E. fin octobre 2015 a entraîné une certaine accalmie au niveau du trafic de cocaïne dans le quartier. Depuis l’opération de la police, la situation n’est plus la même : «Les dealers ont changé leur modus operandi. Aujourd’hui, ils ne portent plus la drogue dans la bouche, mais la cachent dans leur zone. Et ils opèrent quelques rues plus loin.»

Le procès se poursuit mardi matin avec l’audition de Bekky T. «D’ici là, les prévenus peuvent décider s’ils veulent changer leurs déclarations ou les compléter», leur a lancé le président en fin d’audience.

Fabienne Armborst