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Trafic de drogue à Wasserbillig : le « G33 », dortoir de 131 hommes


(Illustration : Archives LQ)

Jeudi au troisième jour du procès du réseau de stupéfiants nigérian de Wasserbillig, la parole était une première fois aux enquêteurs de la police judiciaire.

L’enquête avait débuté plusieurs mois avant le 27 octobre 2015, jour où la police était passée à l’action au 33 Grand-Rue à Wasserbillig et avait arrêté 57 personnes. Pendant 113 jours l’immeuble avait été observé. Les enquêteurs avaient constaté le va-et-vient régulier entre le «G33» et le quartier de la Gare à Luxembourg.

Le phénomène des dealers de rue ouest-africains dans le quartier de la Gare n’est pas nouveau. «Depuis 2011, il est perceptible», rappelait l’enquêteur de la section drogues en début d’audience, hier matin. Entre le 10 avril 2014 et le 16 octobre 2015, 110 dealers nigérians ont été arrêtés. «C’est un grand nombre, poursuit l’enquêteur. Mais dès qu’un dealer de rue est arrêté, il est immédiatement remplacé. Il était important d’attraper les cerveaux de la structure.»

Dans un premier temps, ce sont les déclarations d’un habitant du «G33» à Wasserbillig qui ont guidé l’enquête. Ce dernier évoquait une maison avec beaucoup de chambres louées à des ressortissants nigérians. Tous s’adonnaient à la vente de cocaïne. Dès mi-juin 2015, les observations de la police judiciaire sont renforcées avec des moyens techniques. «En tout, on a identifié 131 hommes différents qui ont dormi au « G33 », récapitule l’enquêteur. Au début, ils étaient une trentaine, puis ils étaient plutôt cinquante par nuit.» Pour les 113 jours d’observation, la police a compté un total de 5 447 nuitées. Un nombre qui ne correspond pas aux conditions de l’immeuble, selon l’enquêteur : «Ils logeaient dans des conditions indignes. Les douches étaient noires de moisi. Le seul profiteur du « G33 » n’est personne d’autre que son propriétaire Joseph E.»

Les enquêteurs effectuent également des observations dans le quartier de la Gare à Luxembourg. «Les dealers nigérians sont organisés de manière impressionnante, retient l’enquêteur fort d’une expérience de 20 ans. À chaque croisement et dans chaque café il y a des observateurs pour surveiller une éventuelle arrivée de la police. On a reconnu neuf de leurs postes d’observation.»

Le 27 octobre 2015, les policiers passent finalement à l’action. «L’opération est déclenchée par l’arrestation de Henry P. dans le train vers Wasserbillig. Dans la foulée, les unités spéciales s’emparent du « G33 ». Au total, 57 personnes sont arrêtées.» D’après les observations policières, Henry P. se rendait quotidiennement à Wasserbillig entre le 2 juillet et le 27 octobre 2015 et a livré plusieurs kilos de cocaïne aux occupants de l’immeuble. Au moment de son arrestation, il avait 125 g cocaïne sur lui. «Si on fait le calcul sur les 114 jours, cela donne une livraison de 14,3 kg de cocaïne pure.»

«Joseph E., un homme d’affaires impitoyable»

Un kilo de cocaïne pure coûte en moyenne entre 27 000 et 35 000 euros. Selon le calcul de l’enquêteur, Henry P. a pu ainsi faire avec de la cocaïne coupée un chiffre d’affaires théorique entre 1,3 et 1,7 million d’euros : «Un montant spectaculaire.»

Le propriétaire de l’immeuble Joseph E. a été arrêté par la police deux jours plus tard. Il n’y pas d’éléments dans le dossier prouvant qu’il a activement participé à la vente de la drogue. «Il n’en avait pas non plus le besoin. Car il s’enrichissait avec l’argent des locataires du « G33″», note l’enquêteur. Entre janvier et octobre 2015 Joseph E. aurait ainsi encaissé 136 435 euros de loyer. «Il se décrit comme philanthrope, mais en réalité c’est un homme d’affaires impitoyable qui profite de la situation illégale de ses compatriotes nigérians. Il profite non seulement du trafic de drogue, mais le soutient également par le fait que Henry P. vient tous les jours au « G33″».

À côté du propriétaire du «G33» Joseph E., sa gérante Bekky T. et le livreur Henry P., 18 revendeurs de drogue comparaissent actuellement devant la 12e chambre correctionnelle. «Ils ne sont pas arrivés par hasard au Grand-Duché. On sait que 17 d’entre eux ont déjà séjourné dans neuf pays européens différents. Et douze d’entre eux ont déjà été verbalisés ou condamnés pour trafic de drogue en Autriche et Norvège», conclut l’enquêteur.

L’audition des enquêteurs a continué ce vendredi matin.

Fabienne Armborst