Une famille d’Érythrée risque de perdre son statut de réfugié si le père de famille est condamné. Il est suspecté de coups et blessures volontaires sur sa cousine.
Teklehaymanot était soldat et tailleur en Érythrée avant d’arriver au Luxembourg en 2015. «La vie là-bas était devenue trop dure», explique-t-il à la barre. Après un périple passant par le Soudan, la Libye et l’Italie, il est arrivé au Luxembourg. Sa femme, ses enfants et Vinta, la fille de son oncle dont il a la tutelle, l’ont rejoint en 2019 grâce aux mesures de regroupement familial. Aujourd’hui, la famille réside dans un foyer.
Vinta aurait très mal supporté ce changement d’environnement. «Elle a changé de comportement. Elle était une enfant heureuse et sans problèmes avant, indique le prévenu. Elle se disputait avec mes enfants et ma femme, elle refusait d’effectuer des tâches ménagères… Cela créait des tensions et on a essayé de les régler en famille.» Le père de famille de 40 ans blâme une amie de Vinta, Semira, qui aurait eu une mauvaise influence sur la gamine de 12 ans à l’époque des faits.
«Semira sortait tard, elle traînait dans des endroits pas recommandables, se souvient le prévenu. Je ne savais pas où elles allaient. Vinta ne me disait rien.» Le quadragénaire est soupçonné de coups et blessures volontaires sur mineure de moins de 14 ans à trois reprises en juin 2019. Il dit avoir mis en place des règles, mais elle ne les aurait jamais respectées. «Elle a inventé les coups et blessures par rébellion envers ces règles», avance le prévenu.
«Vous ne vouliez pas que les deux jeunes femmes passent du temps ensemble dans la chambre de Semira à discuter?», lui demande la présidente de la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «J’étais en permanence derrière elle pour qu’elle vienne manger, qu’elle fasse ses devoirs…, raconte le père de famille. C’est devenu un problème quand elle a commencé à sortir sans permission ou qu’elle n’allait plus à l’école.»
Vinta ne lui obéissait plus, répète-t-il. Son épouse et lui ont éduqué la jeune fille depuis ses deux ans après que sa maman soit décédée en 2009. Son père biologique n’était pas en mesure de s’occuper de l’enfant. «J’ai essayé de lui donner autant que je pouvais. J’ai essayé de lui parler, de comprendre ce qui n’allait pas, se défend le prévenu. J’ai cru qu’elle pouvait se sentir rejetée puisqu’elle n’était pas ma fille biologique et parce que j’étais parti depuis longtemps. Je n’ai obtenu aucun résultat. La situation est devenue intenable. J’avais le sentiment que je n’arriverais plus à gérer la situation et qu’elle ne voulait pas rester avec nous.»
«Pure invention de sa part»
«Comment punit-on les enfants qui ne sont pas sages en Érythrée?», interroge la présidente de la chambre correctionnelle. Le prévenu reconnaît avoir perdu patience un soir et l’avoir attrapée violemment et pincé le bras. «Je regrette sincèrement», poursuit-il. Jamais il n’a fouetté Vinta avec une ceinture ou ne l’a frappée avec les pieds et les poings, jure le prévenu. «C’est pure invention de sa part. Je n’ai jamais frappé mes enfants. Je ne ferai jamais à Vinta quelque chose que je ne leur ferai pas à eux.»
Pourtant, les accusations portées par Vinta à son encontre sont «très graves». Aujourd’hui, l’adolescente vit seule dans un foyer et ne voit plus sa famille. «Je pense que c’est ce qu’elle cherchait à obtenir pour faire venir son père biologique auprès d’elle en tant que mineure isolée», justifie le quadragénaire.
Vinta avait 12 ans et était au Luxembourg depuis quatre mois quand les coups ont commencé fin juin 2019, selon l’avocate de l’enfant qui s’est portée partie civile à hauteur de 2 500 euros. «Vinta bénéficie d’un suivi psychologique» depuis les faits. Pour la représentante du parquet, «le prévenu a battu Vinta pour l’éduquer, ce qui est complètement inacceptable». Elle a requis une peine d’emprisonnement de 12 mois et une amende appropriée à son encontre.
L’avocat de Teklehaymanot décrit une enfant «en pleine crise identitaire», «dépourvue de repères» et «déracinée de son pays natal qu’elle a quitté dans des conditions épouvantables» avec sa famille adoptive. Le prévenu aurait pris son éducation très au sérieux et sa manière stricte de l’éduquer serait une question de culture. «Vinta est en souffrance pour d’autres raisons que pour les coups prétendument portés par Teklehaymanot», poursuit-il, «Ils n’ont peut-être pas eu lieu comme elle le prétend.»
Il met en avant d’éventuels problèmes de traduction lors de ses interrogatoires, des contradictions dans les témoignages de sa maman adoptive, de son amie et de la maman de celle-ci par rapport aux siens et estime que le doute doit bénéficier à son client qui risque de perdre son statut de réfugié s’il est condamné. Il a donc plaidé son acquittement.
Le prononcé est fixé au 5 mai.
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