« Certainement pas! » Jean-Marie n’est pas coupable de ce dont on l’accuse. Même si son ADN le relie aux délits qui lui sont reprochés. Beau parleur, il a réponse à tout.
Il fallait être fin et longiligne pour commettre les cambriolages dont est accusé Jean-Marie, selon l’enquêteur de police. La description du voleur correspond à la morphologie du prévenu dont l’ADN a été trouvé sur les deux lieux, pourtant l’homme de 53 ans nie les faits. Il est également accusé de faux témoignage dans une affaire correctionnelle.
Le premier cambriolage a eu lieu entre le 17 et le 18 mars 2019 au café Independent à Luxembourg. L’auteur des faits est passé par l’arrière du local en décrochant une planche qui barrait une vitre au dessus d’une porte d’entrée. À l’intérieur, il a essayé d’ouvrir un coffre-fort et un distributeur de cigarettes avant d’abandonner et de repartir avec 400 euros de pourboires et deux haut-parleurs. «Il fallait savoir où se trouvait le coffre. Il pesait 500 kilogrammes et était impossible à déplacer», a témoigné Roby. «Il fallait un code et une clé pour l’ouvrir.»
Le patron du café au moment des faits connaît le prévenu. «C’est l’ancien mari d’une de mes serveuses.» Le président de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg lui demande si le voleur a pu être rencardé. «Son ancienne épouse a toujours été loyale envers moi. Elle a pu lui révéler l’existence du coffre-fort, mais ce n’était pas dans le but de me nuire. J’y mets ma main à couper», répond le témoin. «De toute façon, il n’y avait rien dans le coffre-fort, à part de la monnaie et le fond de caisse.» Le coffre-fort se trouvait dans un débarras sous l’escalier derrière le comptoir.
Pour justifier la présence de son ADN, le prévenu prétend avoir oublié une chemise au café un soir de fête. «Personne à part mon personnel n’était autorisé à aller derrière le comptoir. Je ne peux rien exclure en mon absence», certifie Roby. «Je dansais beaucoup et j’ai transpiré. J’ai enlevé ma chemise et je l’ai remise à quelqu’un, qui l’a placée sous l’escalier. Il se peut qu’une goutte de transpiration soit tombée sur le coffre-fort ou qu’on ait déposé ma chemise dessus», explique le prévenu en piétinant nerveusement derrière la barre.
L’ADN retrouvé sur une porte du bistrot Morabeza provient d’une visite d’affaires, poursuit-il toujours en piétinant. Le prévenu souhaitait y ouvrir un nouveau restaurant. Le propriétaire lui aurait promis une déposition écrite soutenant sa version des faits. La police l’accuse d’avoir vidé les caisses de deux bornes de jeux après s’être introduit dans le café en passant par la cour arrière. Il prétend le contraire, tout comme pour le faux témoignage.
Deux hommes ont fini en détention préventive et sous contrôle judiciaire avant d’être acquittés par la justice «en raison de la déclaration mensongère» du prévenu dans le cadre d’une affaire judiciaire. «Les autres témoins ont, à l’audience, fini par changer leur version et reconnaître avoir menti. Les faits ne se sont pas passés comme le prévenu l’a prétendu», a rappelé Me Kreutz, un des avocats des parties civiles.
«La crédibilité de la justice»
«Pourquoi mentir?», demande le prévenu. «Vous êtes entendu dans le cadre de trois dossiers et vous n’avez rien fait de mal dans aucun!», s’étonne le juge. «Est-ce un malheureux concours de circonstances? La probabilité est quand même minime.»
Les indices dans les divers dossiers sont suffisants, selon le représentant du parquet, pour condamner le prévenu. Les traces d’ADN retrouvées après les faits ne sont pas dues au hasard – notamment sur la planchette qui barrait la fenêtre au-dessus de la porte du café Independent – et «personne ne l’a jamais vu visiter le deuxième lieu, ni le propriétaire, ni le gérant, ni l’agence immobilière».
En ce qui concerne l’affaire de faux témoignage, «les deux hommes, qui n’étaient pas des anges, étaient innocents dans cette affaire», a souligné le magistrat, pour qui les mensonges imputés au prévenu à la barre lors du premier procès étaient «flagrants». Le parquet a été obligé de le poursuive pour maintenir «la crédibilité de la justice». Il requiert contre le prévenu une peine de 30 mois de prison et une amende.
Me Karp, son avocat, plaide en faveur de son acquittement sur toute la ligne. «Les deux hommes ont finalement été acquittés pour cause de doute étant donné les nombreuses versions entendues par le tribunal», défend Me Karp. Leur placement en détention préventive et sous contrôle judiciaire dépendrait du parquet et non pas de la version donnée par son client. «On ne sait pas encore aujourd’hui ce qui s’est réellement passé.» Il n’y aurait pas de lien de causalité entre le témoignage de Jean-Marie et le préjudice subi par les deux hommes. «Ce sont ses propos qui ont conduit mon client en prison», ont rétorqué en cœur les avocats des parties civiles,
Le prononcé est fixé au 9 janvier.