Andris L. est suspecté d’avoir tué Atilla. Le Letton, que tout accuse, nie les faits face à la 13e chambre criminelle. Après une première journée de procès, le mystère reste entier.
Il pensait cueillir des fraises, mais à la place, un habitant de Merl a trouvé un corps en décomposition, déjà partiellement momifié, au pied d’une cabane dans un jardin ouvrier. Très vite la police a conclu à un crime. L’auteur présumé comparaissait à la barre de la 13e chambre criminelle hier.
Petit, râblé, nageant dans un t-shirt Planet Hollywood, le quinquagénaire letton nie les faits. Il ne vivait plus dans la cabane de jardin depuis le mois d’avril et la victime ne se serait jamais rendue au jardin ouvrier. «Au moins une fois!», rétorque la juge.
Le corps d’un homme grand, chevelu et barbu y a été retrouvé le 30 mai 2018. Le médecin du SAMU a estimé la date du décès à trois mois en raison de l’état de décomposition avancée du corps. Le légiste de la police a ramené la date du décès à une semaine avant la découverte.
Qui était cet homme et que lui était-il arrivé? Sur la porte du chalet figuraient inscrites en vert les initiales «L. A.» et le mot «Latvia». Des indices qui ont permis à la police de remonter la piste du tueur présumé.
Un couteau enfoncé jusqu’à la garde
Deux jours plus tôt, une bande avait commis le braquage d’une station-service à Esch-sur-Alzette. Un nom sort du lot : L. Andris, un Letton qui vit dans la rue. Entendu par la police, il nie. Vadim, un autre marginal, l’accuse. Il aurait dit aux enquêteurs avoir vécu avec Andris et un certain Atilla dans la cabane. Un streetworker de la Croix-Rouge dit ne plus avoir vu Atilla depuis quelques jours. Une analyse des empreintes digitales du cadavre permettra de confirmer son identité.
Atilla était hongrois, il avait 26 ans. Le jeune homme aurait été frappé à l’abdomen par un couteau dans la région du foie et des poumons. Le médecin légiste a trouvé des traces de pénétration dans ses organes, mais ne peut, en raison de l’état du corps, déterminer avec certitude la cause exacte de la mort. Elle conclut à l’intervention d’un tiers. Selon le légiste, aucune blessure de défense n’aurait été trouvée sur la dépouille du jeune homme.
L’arme du crime présumée, un couteau dont la lame mesurait 21 centimètres de long et 4 de large, a été retrouvée dans la poubelle des toilettes d’une station-service de la route d’Arlon à Strassen. De l’ADN appartenant au prévenu a été trouvé sur le manche et le sang d’Atilla sur la lame. En outre, la trace de pénétration que présentait la dépouille faisait 14 centimètres de long. La légiste estime probable que le couteau ait été enfoncé jusqu’à la garde.
Un témoin clé introuvable
Arrêté par la police de Capellen, Andris raconte, après avoir dit ne pas connaître la victime, qu’il avait utilisé le couteau en question pour couper un bandage après l’avoir désinfecté avec de la vodka alors qu’il avait soigné Atilla sur un parking à la suite d’une rixe avec un autre marginal. La légiste précise que le couteau qui lui a été remis par la police n’avait pas été lavé.
Andris, privé de liberté depuis un an, est formel : Atilla n’aurait jamais vécu dans la cabane avec lui. Il n’aurait toléré personne chez lui de peur que d’autres sans-abri ne s’installent. Il aurait habité dans la cabane de fin 2017 à avril 2018. Il l’aurait quittée en raison de la chaleur à l’intérieur, des souris et de chevaux trop bruyants dans le pré voisin.
Selon un expert psychiatre appelé à la barre, Andris n’avait ni psychose ni névrose. Il aurait fait état d’une forte consommation d’alcool, mais ne présenterait pas – à part des tremblements au réveil – les troubles associés à une dépendance alcoolique comme des problèmes de mémoire. Il ne peut donc pas avoir oublié avoir tué Atilla si tel est le cas, ni même s’être inventé une histoire pour combler une mémoire immédiate déficiente.
Les circonstances de la mort d’Atilla restent pour le moment un mystère. Tout accuse Andris, mais l’homme nie les faits. Vadim, qui avait indiqué à la police avoir vécu dans la cabane avec l’auteur présumé et la victime, est introuvable. Son ADN ainsi que ceux des deux protagonistes et celui d’un inconnu ont été découverts dans la cabane. Sait-il pourquoi et comment Atilla est mort? La suite du procès ce matin.
Sophie Kieffer