Rixe sanglante à Luxembourg : il nie avoir voulu le tuer avec la bouteille de bière

Début août 2018, dans le quartier Gare, un jeune homme avait été profondément entaillé au visage avec une bouteille en verre. L’agresseur, poursuivi pour tentative de meurtre, dit avoir agi en légitime défense.

«Impossible que je veuille tuer quelqu’un à cause d’une cigarette…» Sur ces derniers mots, Khalid M. a quitté vendredi matin la salle d’audience. Le jeune homme de 24 ans est poursuivi pour avoir commis une tentative de meurtre le 5 août 2018. Il était autour de 22 h 30 ce dimanche soir quand l’altercation entre les deux hommes a dérapé au coin de la rue du Laboratoire et de la rue de Bonnevoie à Luxembourg.

Était-ce à cause d’une cigarette ou d’un bout de sandwich, comme on peut le lire ailleurs dans le dossier? Ce que l’on sait toutefois, c’est qu’à la fin l’adversaire de Khalid M. saignait énormément. Avec un bandage compressif à la tête, la victime, âgée de 18 ans, avait été transportée d’urgence à l’hôpital Kirchberg, puis à celui de Thionville pour y être opérée. Elle présentait non seulement une entaille de 7 cm de longueur à la joue gauche, mais le septième nerf crânien était également sectionné. Ce qui avait entraîné une paralysie du coin de sa bouche. Si les blessures en elles-mêmes ne constituaient pas un danger de mort, au vu de leur localisation, le risque était bien là. La carotide n’a été ratée que de justesse. On parle de quelques millimètres, a précisé le médecin légiste. Et dans le cou de la victime, on avait aussi retrouvé quelques résidus de verre.

Une bouteille Kingfisher, plusieurs versions

C’est rue du Fort-Neipperg qu’une patrouille de police était tombée sur le blessé. Il avait pu donner une description de son agresseur : cet homme d’origine marocaine, qu’il connaissait du «foyer Logopédie», l’aurait frappé avec une bouteille de bière cassée en plein visage et «piqué dans le cou». Le suspect avait pu être intercepté quasiment sur les lieux du crime.

Selon la première version de Khalid M. à la police, la victime s’était blessée en tombant malencontreusement sur l’objet tranchant. Une version en revanche difficilement compatible avec les résultats de l’expertise ADN : car Khalid M. a bien eu la bouteille Kingfisher en main… «Je suis venu pour vous dire la vérité», a annoncé vendredi le prévenu aux juges de la 13^e chambre criminelle. Aujourd’hui, il explique s’être défendu. «Il m’a insulté devant les gens. C’était la honte… Quand j’ai vu la bouteille qu’il avait entre les mains arriver à hauteur de mon visage, je me suis protégé avec la bouteille que je tenais dans ma main.» Mais il n’aurait pas, comme le prétend la victime, cassé la bouteille au préalable contre un mur. «Elle s’est brisée sur son visage.»

«Je n’ai jamais même tué une fourmi»

«N’importe où en Europe vous ne trouverez rien sur moi. Jamais je n’ai commis un crime au Luxembourg. Je n’ai même jamais tué une fourmi», a appuyé le prévenu. Et d’ajouter qu’il n’a pas pris la fuite ce soir-là : «J’aurais pu prendre le train vers Liège pour quitter le Luxembourg.» La défense invoque la légitime défense et plaide l’acquittement. Selon M^e Roby Schons, le prévenu faisait l’objet d’une «attaque violente» : «Il s’est donc défendu avec le même objet, mais moins dangereux car pas encore cassé. C’est lors de son acte de défense, en cognant contre l’os de la pommette, que la bouteille s’est cassée.»

Mais, d’après le parquet, rien dans le dossier ne confirme la version selon laquelle le prévenu a été agressé. Sur les lieux du crime, la police a certes retrouvé les restes de deux bouteilles. Mais l’enquête n’a pas pu déterminer que la victime en avait une en main avant les faits. Ses traces ADN relevées sur la bouteille Sagres correspondraient plutôt au moment où elle l’a ramassée dans une poubelle. Deux témoins avaient observé le jeune homme plein de sang. Son intention, juste après les faits, aurait été de se venger, avait-il reconnu à la police.

Le parquet requiert dix ans de réclusion

La profondeur des blessures concorde également avec la version de la victime, estime la représentante du parquet. Elles ont «nécessairement été causées intentionnellement». Et à entendre le médecin légiste, «un seul et même coup paraît très peu probable». Bref, en portant deux coups violents avec un objet tranchant au niveau du visage et du cou, Khalid M. se serait bien rendu coupable d’une tentative de meurtre. Et le fait que la victime ne se trouvait pas entre la vie et la mort ne pourrait pas être mis au crédit du prévenu.

Prenant en compte l’absence d’inscriptions dans son casier judiciaire et le fait qu’il est revenu sur les lieux pour se rendre à la police, la parquetière a finalement requis dix ans de réclusion, soit la «peine minimale» pour tentative de meurtre, contre le prévenu qui se trouve actuellement en détention préventive à Schrassig. La victime n’était pas présente au procès vendredi pour parler de ses séquelles. Le jeune homme étant sans domicile fixe, donc injoignable, le parquet a décidé de renoncer à son audition.

Prononcé le 14 janvier.

Fabienne Armborst