Acte de légitime défense ou meurtre avec éventuelle préméditation? Le procès de la rixe sanglante fin 2017 à Dalheim s’est poursuivi mercredi après-midi avec l’audition des médecins légistes. En début d’audience, la défense a demandé l’enregistrement de l’audition des experts.
On parle d’un coup de couteau de dix centimètres de profondeur. La lame a transpercé le thorax de la victime. Et elle a perforé le cœur. Un coup auquel la victime de 36 ans n’avait pas survécu. Mais la blessure à son bras gauche était également importante. Là, la lame du couteau en céramique avait carrément touché l’os. Mercredi après-midi, au deuxième jour du procès du jeune homme qui a poignardé son beau-père le 22 décembre 2017, la parole était aux médecins légistes.
Dans cette affaire, il n’y a pas que les blessures de la victime qui intéressent. L’auteur du coup de couteau mortel, assis depuis mardi sur le banc des prévenus, parle en effet d’un acte de légitime défense. À l’arrivée des secours, il se plaignait de quatre coupures au niveau du torse. «Le couteau a frôlé mes poumons», avait raconté Ernol D., âgé alors de 23 ans. Il avait également déclaré avoir été victime d’une tentative d’étranglement.
Les traces ADN de son beau-père ont pu être décelées sur le col de sa chemise. Il est possible qu’il ait pu le prendre par le col. Le médecin légiste peut toutefois exclure une tentative d’étranglement sur le jeune homme. Deux de ses coupures avaient nécessité trois points de suture. Mais d’un danger de mort, on ne pourrait pas parler. «La cage thoracique n’a pas été touchée, juste la peau et la couche de graisse», détaille la médecin légiste en se basant sur le rapport de prise en charge aux urgences au CHL. Elle n’exclut pas l’hypothèse de l’automutilation.
Le prévenu avait aussi été examiné par un expert toxicologue. Aucune trace d’alcool n’avait pu être décelée. En revanche, il se trouvait sous l’influence de la cocaïne et du bromazépam, un tranquillisant. Les analyses capillaires ayant révélé qu’il était habitué à ces substances, elles n’auraient pas eu un si grand effet sur son comportement.
«Tu es comme un clochard…»
C’est finalement via l’expert neuropsychiatre qu’on en a appris un peu plus sur les circonstances du drame. D’après ce que le prévenu lui a confié, l’ambiance au domicile familial était tendue. La veille au soir, il serait sorti avec des amis. En rentrant le matin, il savait que sa mère aller le gronder. Car la vie estudiantine qu’il menait ne lui plaisait pas. Son beau-père non plus n’appréciait pas, selon lui, ses études en droit. Il l’aurait toujours dévalorisé. En vain, il aurait tenté de leur expliquer qu’il menait une vie normale d’étudiant. Mais ce 22 décembre 2017, on lui aurait lâché : «Tu es comme un clochard…» Il aurait alors répliqué à son beau-père : «Tu n’est qu’un paysan primitif.»
Blessé par cette remarque, ce dernier l’aurait d’abord pris par la gorge. Et puis tout se serait enchaîné. Comme ils avaient un fumoir à la maison, il y avait des couteaux à beaucoup d’endroits. C’est ainsi que son beau-père aurait rapidement pu se saisir d’un couteau dans le couloir. Une «démonstration de pouvoir», dira Ernol D. face à l’expert.
Mais quand lui s’empare de l’arme après avoir été blessé, il parle de «légitime défense». «Il m’a expliqué qu’il étudiait le droit et qu’il connaissait la terminologie», détaille l’expert. «Il dit avoir agi raisonnablement, ne pas avoir ressenti de rage et ne pas avoir souffert d’une altération du discernement.»
Acte de légitime défense ou meurtre avec éventuelle préméditation? Cette question continuera d’occuper la 13e chambre criminelle les prochains jours. Entre l’analyse des traces de sang dans la maison, les expertises ADN et la description des blessures, les débats sont en partie assez techniques.
«Chaque détail a son importance»
Voilà pourquoi l’avocat du prévenu a décidé de demander l’enregistrement de l’audition des experts. «On joue la perpète dans la présente affaire. Chaque détail a son importance», a ainsi argué Me Philippe Penning en début d’audience mercredi. «En absence d’une retranscription fidèle, cela pose le problème des droits de la défense. Le greffier note juste les principales déclarations dans le plumitif.» «Je ne vois pas où les droits de la défense sont lésés. Aucun texte ne prévoit que les débats soient enregistrés», a rétorqué la parquetière en rappelant que toutes les parties avaient à leur disposition les rapports d’expertise.
Après une suspension d’audience, la chambre criminelle a finalement rejeté la demande de la défense. Elle donnera sa réponse détaillée dans le jugement sur le fond. Le procès se poursuit ce jeudi après-midi avec l’audition des enquêteurs.
Fabienne Armborst
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