Le ministère public a retenu la tentative de meurtre à l’encontre de Fathi. Le prévenu est suspecté d’avoir poignardé un sans-abri comme lui. Il risque 18 ans de prison.
Khaïs m’a envoyé le couteau et m’a dit « défends-toi !« », raconte Fathi. Le jeune homme de 28 ans est suspecté de tentative de meurtre et de coups et blessures volontaires à l’encontre d’un autre sans-abri. Les faits se sont produits le 4 juin au matin au camp de tentes derrière l’Abrigado à Luxembourg.
Les circonstances des faits sont troubles. Chacun accuse l’autre. Tribunal et enquêteurs se reposent sur le témoignage d’un ouvrier communal qui a assisté à une bonne partie de la rixe entre les deux hommes.
À la barre de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, Fathi maintient sa version des faits. «C’est lui qui m’a frappé le premier. Il voulait que je vende de la drogue pour lui. J’ai refusé», jure-t-il hier au second jour du procès. «J’étais énervé. Il m’a cassé une bouteille sur la tête gratuitement. Je n’ai rien fait.»
Fathi dit qu’il fumait du crack quand il a été agressé et n’aurait fait que répondre aux coups. «Si j’avais été dans mon état normal, je n’aurais pas agi de la sorte», tente-t-il de s’excuser. «Ce n’est pas une excuse. Ce que vous reproche le parquet est très grave», le gronde la présidente de la chambre criminelle.
La victime présumée, disparue dans la nature, avait dit aux policiers qui l’ont interrogée après les faits que Fathi lui aurait volé son smartphone et son sac contenant de la drogue. Il aurait voulu les récupérer et aurait essuyé les coups portés par le prévenu avec une barre de fer et avec un couteau multifonctions.
Touché une première fois, l’homme aurait tenté d’échapper à son agresseur qui l’aurait poursuivi et ne l’aurait lâché qu’après qu’il s’est effondré par terre. Une version qui correspond au témoignage de l’employé communal.
Rixe entre sans-abri : des blessures «potentiellement mortelles»
«Une peine dont il peut voir le bout»
La raison de la rixe de même que la nature des relations entre la victime et le prévenu restent mystérieuses. Fathi revient sur ses déclarations au juge d’instruction et aux policiers. La faute à sa mémoire embrouillée le jour des faits.
La présidente essaye de la mettre face à ses contradictions. Le jeune homme joufflu, originaire de Tunisie, «ne sait plus». «Il vous fuyait. Pourquoi l’avoir piqué avec le couteau alors qu’il ne présentait plus une menace ?», l’interroge-t-elle.
«J’avais peur parce que mon visage était en sang. Je n’étais pas dans mon état normal», s’explique-t-il. «Ça fait peur! Ça veut dire qu’il suffit d’un petit énervement quand vous avez consommé des stupéfiants pour que vous vous énerviez», commente la présidente.
Fathi risque une nouvelle condamnation à de la prison. «J’aimerais aller au cimetière», murmure le prévenu qui n’imagine pas d’avenir serein. Il encourt une peine de 14 ans de prison. Auxquels viendraient s’ajouter quatre années de sursis probatoire d’une peine précédente. La représentante du ministère public a estimé que les éléments constitutifs de la tentative de meurtre étaient donnés.
Que la victime, touchée aux poumons, en ait réchappé «est le fruit du hasard», selon elle. «Le prévenu a commis des actes de nature à causer la mort qui auraient pu être létaux.» La victime a été touchée à quatre reprises, dont trois fois à la poitrine. «Les témoins ont affirmé qu’il s’est acharné sur elle jusqu’à ce qu’il s’écroule», appuie la magistrate. Elle a écarté les moyens de légitime défense et d’excuse de provocation avancés par l’avocat du prévenu.
Me Says a demandé au tribunal de ne pas retenir la tentative de meurtre à son encontre. Fathi a, selon lui, «agi dans le feu de l’action» sous le coup de la peur sans avoir conscience que son geste pouvait être potentiellement mortel, comme l’avait affirmé un médecin légiste mercredi.
«Il n’avait pas de couteau sur lui», insiste l’avocat et d’ajouter que la victime présumée s’est enfuie de l’hôpital. «Les faits se sont produits dans le milieu de la drogue. Des agressions y ont lieu tous les jours et la situation la plus minime peut dégénérer sous l’influence de l’alcool et des stupéfiants», poursuit-il.
Il termine sa plaidoirie en demandant au tribunal de condamner le jeune homme à «une peine dont il peut voir le bout». Son client n’aurait jamais connu de vie normale et il faudrait, selon l’avocat, lui donner les moyens de pouvoir y accéder. L’expert psychiatre entendu la veille à la barre s’était montré réservé quant aux chances de réinsertion de Fathi qui ne montrerait pas de réelle prise de conscience.
Le prononcé est fixé au 2 juin. Presque un an jour pour jour après les faits.