La Cour de cassation a rejeté, ce jeudi matin, le dernier pourvoi dans l’affaire du réseau de stupéfiants nigérian de Wasserbillig. Le propriétaire du «G33», Joseph E., condamné à 12 ans de prison ferme et 10000 euros d’amende en instance d’appel, compte désormais saisir la CEDH à Strasbourg.
Quatre ans après que la police est passée à l’action au 33 Grand-Rue à Wasserbillig, frappant un gros coup contre un réseau de stupéfiants nigérian actif dans le quartier de la Gare à Luxembourg, la Cour de cassation a rejeté jeudi matin le dernier pourvoi dans cette affaire. Avec ce rejet, l’arrêt de la Cour d’appel condamnant le principal prévenu Joseph E. (49 ans) à 12 ans de prison ferme et 10 000 euros d’amende acquiert donc force de chose jugée.
Pour son avocat, Me Ahmed-Boudouda, «si la cassation est une étape importante, cela ne reste qu’une étape». «L’affaire qui a débuté rue de Strasbourg se terminera à Strasbourg au quartier Robertsau, siège de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)», nous a-t-il annoncé à la sortie du prononcé. «Nous sommes confiants. Joseph E. a déjà gagné une affaire contre le Luxembourg dans le cadre de ces faits-là.»
Joseph E., qui se trouve en détention depuis son arrestation fin 2015, était le dernier dans cette affaire du réseau de stupéfiants nigérian de Wasserbillig («G33») à ne pas être fixé sur son sort. Vingt hommes et une femme s’étaient retrouvés sur le banc des prévenus mi-janvier 2017. À l’issue de leur premier procès, ils avaient écopé d’un total de 128 ans de prison ferme et 19 ans assortis d’un sursis. Pratiquement tous avaient bénéficié d’une réduction de peine en appel (on était passé à 82,5 ans de prison ferme auxquels s’ajoutaient 14,5 ans assortis d’un sursis). Trois d’entre eux avaient finalement introduit un recours en cassation. Le rôle de la Cour de cassation n’est pas de rejuger les faits. Elle ne tranche que des questions de droit ou d’application du droit.
En janvier 2019, la Cour de cassation avait rejeté les pourvois du «livreur» Henry P. et de la «gérante» Bekky T. Avec ce rejet, l’arrêt de la Cour d’appel les condamnant respectivement à 10 ans ferme et 8 ans (dont trois avec sursis) et une amende avait donc acquis force de chose jugée.
Le «G33» : dortoir et cachette pour la drogue
Comme l’avocat de Joseph E. avait demandé la traduction de certaines pièces en anglais, la Cour de cassation ne s’était saisie que fin septembre de son recours. Le mémoire déposé par Me Ahmed-Boudouda comportait pas moins de 24 moyens : «Non disposition du dossier répressif en anglais», «refus du droit d’entendre deux témoins, dont un policier», «à tort il est considéré comme coauteur des infractions», «à tort l’article 10 a été retenu», «à tort il a été reconnu coupable d’avoir donné des instructions aux coprévenus»…
Selon l’enquête, Joseph E., propriétaire du «G33» à Wasserbillig, mettait l’immeuble à la disposition d’un grand nombre de dealers pour 20 euros la nuit. C’est à cette adresse que les substances illégales étaient préparées et cachées, à l’abri des regards, avant que les dealers n’assurent leur vente dans le quartier de la Gare, autour de la rue de Strasbourg à Luxembourg.
Henry P., pour sa part, était poursuivi pour avoir livré quotidiennement les drogues au «G33». Si le tribunal de première instance avait retenu qu’il avait assuré la livraison de 14 kg de cocaïne pure entre le 2 juillet et le 26 octobre 2015, la Cour d’appel avait réévalué ces quantités de drogue importées au Luxembourg à 8 kg.
La seule femme dans ce dossier, Bekky T., n’était pas connue pour avoir importé ou proportionné de la drogue. Mais c’est elle qui avait en main la gestion du «G33» et contrôlait son accès. Tout comme Joseph E., elle aurait profité du trafic de drogue.
La Cour d’appel avait ordonné la confiscation de l’immeuble «G33» à Wasserbillig appartenant à Joseph E., par équivalent à concurrence de 29 040 euros. Ce montant était nettement moins élevé que celui retenu par les premiers juges. Pour rappel, ces derniers avaient retenu la somme de 136 435 euros comme étant le montant de loyer minimum encaissé par le propriétaire du «G33». Lors des 113 jours d’observation, la police avait identité 131 hommes différents qui avaient dormi au «G33».
Fabienne Armborst