Lundi après-midi, la Cour d’appel a entendu le dernier des 21 prévenus du réseau de stupéfiants nigérian de Wasserbillig. Plus d’une fois le président a dû recadrer Joseph E.
Quinze ans de prison ferme et 10000 euros d’amende. Voilà la peine dont a écopé Joseph E., le propriétaire du «G33», en première instance. Selon l’enquête, il mettait l’immeuble à la disposition d’un grand nombre de revendeurs pour 20 euros la nuit. C’est à cette adresse que les substances illégales étaient préparées et cachées à l’abri des regards avant d’être vendues dans le quartier de la Gareà Luxembourg.
« La police dit que j’ai facilité la préparation de la drogue au G33 à Wasserbillig. Ce n’est pas vrai, car j’avais enlevé tout le mobilier, à l’exception des matelas. » À la barre de la Cour d’appel lundi après-midi, le principal prévenu, Joseph E., a clamé son innocence.
« J’ai fait appel pour dix raisons fondamentales. Avant de continuer, veuillez m’excuser si je parle fort. Je souffre d’une perte auditive de 50 %. Mon appareil a été cassé quand la police m’a frappé par terre… », se lance Joseph E., le dernier des 21 prévenus dans ce procès à être entendu. Ce n’est que le début de son long monologue.
Comme lors du procès en première instance, Joseph E. doit être régulièrement recadré par le président. Une première fois : « Pourquoi avez-vous relevé appel? » Et puis une deuxième fois : « Énumérez-nous vos dix raisons. » – « La première raison, c’est que je suis innocent. » Mais au lieu d’énumérer ses neuf autres raisons, il sort les trois livres qu’il a écrits. « Les livres ne font pas l’objet du procès! Je crois que vous êtes hors sujet », le coupe de nouveau le président.
L’audition du prévenu se poursuit finalement à travers les questions précises du président. C’est en novembre 2009 qu’il aurait acheté l’immeuble à Wasserbillig. À l’époque, une vingtaine de Nigérians y auraient résidé. D’après l’enquête, qui se base sur des listes dressées jusqu’en octobre 2015, leur nombre a considérablement augmenté par la suite. « Ce n’est pas une fiche de séjour, mais une liste des membres du Luxembourg International Freedom Centre (LIFC). Si je leur avais dit que c’était une contribution à l’ASBL – et pas un loyer – qu’ils devaient payer, ils n’auraient jamais rien payé… »
Joseph E. prétend ne jamais avoir su que l’argent qu’il encaissait des locataires provenait du trafic de drogue. Comment aurait-il pu d’ailleurs savoir que ses locataires vendaient de la drogue dans le quartier de la Gare? « Depuis ma libération conditionnelle, je n’ai plus le droit de me rendre dans la rue de Strasbourg et la rue Joseph-Junck », argue-t-il.
Lors de la perquisition fin octobre 2015, la police avait saisi des boules de cocaïne dans pratiquement toutes les chambres au 33 Grand-Rue à Wasserbillig. Les enquêteurs parlaient de 570 g de cocaïne, 196 g d’héroïne et près de 1,4 kg de marijuana entreposés. Accusé d’avoir détenu des quantités de stupéfiants, Joseph E. se défend devant la Cour : « Je n’ai rien à voir avec les drogues .» Il insiste : « Si la police a retrouvé des stupéfiants, pourquoi n’a-t-elle pas analysé les empreintes digitales? »
«Un Master : pas pour vendre de la drogue»
Bref, Joseph E. campe sur sa position : il ne mettait pas les chambres du «G33» à la disposition des revendeurs, mais à des personnes qui en avaient besoin. La preuve, il aurait hébergé sept personnes qui touchaient le RMG. « Je ne souhaite pas que le Luxembourg soit envahi par le Nigeria… », enchaîne-t-il en reprenant ses livres. « Je crois que vous êtes hors sujet », le coupe de nouveau le président.
À propos de ses connaissances, Joseph E. reste très évasif : la prévenue Bekky T. aurait exploité un magasin au «G33». Quant au prévenu Henry P., il dit ne pas le connaître. La police avait pourtant vu ce dernier 114 fois en trois mois au G33. « Ce n’est pas une prison où on contrôle tout le monde », déclare Joseph E. avant de préciser qu’il n’y a jamais vécu. Interrogé sur sa situation financière, il indique vivre depuis 2009 de ses d’immeubles : « J’ai fait un master. Quand on fait huit ans d’université, ce n’est pas pour vendre de la drogue », conclut-il.
Suite des débats mercredi après-midi.
Fabienne Armborst