Le procès du rappeur poursuivi à cause de sa chanson FCK LXB (Féck Lëtzebuerg) avait fait beaucoup parler. Le dernier mot, la Cour d’appel l’a finalement donné ce mercredi après-midi.
Rap ou dérapage ? C’est la question qui se trouvait au centre du procès de Tun Tonnar (26 ans). Pas moins de 33 fois, le fils du musicien Serge Tonnar emploie le mot «Féck» dans son clip FCK LXB (Féck Lëtzebuerg) sorti en octobre 2018, quatre jours avant les élections législatives. Joe Thein (déi Konservativ), Fred Keup (ADR/Wee2050) et Dan S. (déjà condamné pour incitation à la haine), issus des mouvements de la droite populiste, avaient porté plainte, estimant avoir été injuriés. Ils réclamaient des dommages et intérêts.
Acquitté en première instance au printemps dernier, le rappeur Tun Tonnar passait à la barre de la Cour d’appel fin février. N’ayant pas obtenu gain de cause, les parties civiles avaient en effet interjeté appel. Et le parquet, qui avait requis une amende de 1 500 euros, leur avait emboîté le pas en faisant appel au pénal… En tout cas, le parquet général ne partageait pas la même position. Car sa représentante avait demandé la confirmation de l’acquittement du rappeur.
«Je n’ai pas été choquée quand j’ai entendu la chanson», avait-elle laissé entendre lors de son réquisitoire. D’après elle, le mot «Féck» exprime une certaine colère. Il ne serait pas question d’injure, mais d’un commentaire social et politique «exagérément provocateur». «Où allons-nous si nous n’avons plus de liberté artistique ?», avait-elle encore interrogé, insistant sur le fait que dans une démocratie, la critique doit être permise.
Plus de 46 000 vues sur YouTube
Le premiers juges avaient retenu que la liberté d’expression permet le recours à une certaine dose d’exagération, voire de provocation. Ils avaient, par ailleurs, retenu que «même si l’on peut ne pas partager la forme et les expressions utilisées par l’auteur», les mots employés par le prévenu ne constituent «pas une atteinte intolérable à l’honneur et à la réputation des personnes visées». La suite du texte démontrerait que ce sont les idéologies politiques et les opinions personnelles des trois plaignants qui sont visées.
«Je ne les ai pas personnellement attaqués, mais leur image», avait répété le rappeur face à la Cour d’appel. Comme en première instance, son procès avait fait salle comble. Dans les rangs, beaucoup de jeunes notamment. «Le mot « Féck » est couramment utilisé dans le rap et la langue des jeunes», avait-il insisté.
La vidéo a récolté de nombreux clics sur les réseaux sociaux. Sur la plateforme YouTube, on comptabilisait quelque 16 400 vues lors du premier procès fin mars 2019. Aujourd’hui, un an plus tard, elle affiche plus de 46 000 vues. Et elle continuera certainement à tourner. Car mercredi après-midi, la Cour d’appel a déclaré les appels «non fondés» et a ce faisant confirmé l’acquittement prononcé par les premiers juges.
À la grande satisfaction de Me Philippe Penning. «Dans une période où solidarité et cohésion sociale sont demandées, une décision qui va en faveur de la liberté et contre ceux qui prônent l’exclusion fait du bien», a réagi l’avocat du rappeur, que nous avons joint par téléphone. Crise sanitaire oblige, comme nous, lui non plus ne s’était pas déplacé à la Cité judiciaire.
«Un espoir pour la liberté artistique»
Aussi Tun Tonnar s’est réjoui à l’autre bout du fil, de la confirmation de son acquittement. «Cela fait du bien.» Même s’il ne nous cache pas s’être un peu attendu à ce résultat : «Ce procès était un tout autre que le premier.» «Cela me donne l’espoir pour la liberté artistique au Luxembourg et qu’on a le droit de s’exprimer», poursuit le jeune homme «La justice a bien agi.» Seul petit bémol : «Le premier procès n’avait pas lieu d’être. Mais tout est bien qui finit bien», conclut Tun Tonnar content d’avoir eu sa famille, amis et son avocat à ses côtés.
Fabienne Armborst