Une dette après un deal? Le règlement de comptes dans un appartement de Rodange fin janvier 2018 a fini devant la chambre criminelle. Sur le banc des prévenus : trois hommes et une femme âgés entre 21 à 44 ans.
«Il a brandi une épée de samouraï, mais il tremblait tellement que Hamza a pu repousser l’arme et lui prendre son porte-monnaie dans la poche de son pantalon…» Les souvenirs des différents protagonistes sont diffus et pas toujours très clairs. Il y en a un autre qui dit avoir reconnu une machette dans les mains de la victime…
Ce que l’on sait toutefois bel et bien, c’est que cette nuit du 24 au 25 janvier 2018, ils étaient trois à faire irruption dans l’appartement de la victime à Rodange lorsqu’elle a été détroussée : Hamza, Mike et Nicolas. Le jeune homme, âgé alors de 35 ans, s’en souvient très bien : «Moi je ne voulais pas les voir. Ils se sont énervés. Ils ont cassé la porte, tapé dans le mur jusqu’à faire un trou…» Il est question d’un règlement de comptes. Apparemment pour quelques grammes de cocaïne. «Hamza voulait récupérer son argent. Mais pour moi, la dette était réglée. Comme je l’avais hébergé chez moi.»
«Mike a dit qu’il faisait partie de la police, mais je ne l’ai pas cru», poursuit la victime. Et c’est ainsi que le trio avait donc défoncé la porte. «Hamza m’a arraché le portefeuille, avec 170 euros il me semble. Il voulait aussi que je lui donne ma bagnole et que je signe un papier comme quoi elle lui appartient…» Avec deux haut-parleurs et son ordinateur «comme garantie», le trio avait finalement quitté l’appartement avec la victime… qu’il avait embarquée jusqu’à Differdange en voiture. «Ils voulaient que je signe le contrat de cession dans un truc où il y a des ordinateurs. Mais le truc était fermé. Donc ils m’ont ramené chez moi…»
«Elle était chauffeur, donc complice»
Au volant, lors de cette expédition nocturne, se trouvait Corinne. La jeune femme accompagne les trois hommes sur le banc des prévenus. Mais elle dit ne pas avoir été au courant quand elle les a conduits : «J’ai attendu dans ma propre voiture. Je ne suis pas montée dans l’appartement. Je ne pensais pas à des violences. Je ne savais pas qu’ils avaient enfoncé une porte, fait un trou dans le mur et montré des armes…»
Sauf que d’après l’enquête elle se trouvait en compagnie de Hamza et Nicolas une bonne partie de la soirée place de l’hôtel de ville à Pétange. Hamza leur aurait raconté qu’il voulait récupérer ses vêtements et l’argent qu’on lui devait. Et Mike, qui passait par là, les aurait rejoints en lâchant : «On va lui casser la baraque…» Avec une telle annonce, difficile de dire qu’on ne se doutait de rien. «Mais malgré tout, vous les avez conduits?», tente de comprendre la présidente. «J’ai mal agi. Je ne le ferais plus aujourd’hui, répond la jeune femme de 23 ans. À l’époque je traversais une période difficile.»
Son avocat plaide l’acquittement en raison de son «rôle assez minime». Le parquet n’est pas d’accord. Il estime qu’elle a bien agi «en connaissance de cause» : «Elle devait s’attendre à ce que quelque chose puisse arriver. Elle était le chauffeur, donc complice.» Mais au vu de sa prise de conscience, il requiert 15 mois de prison sans s’opposer à un sursis.
Sept ans de prison requis contre «l’instigateur»
Contre Nicolas et Mike, âgés de 24 et 44 ans aujourd’hui, qui ont fait «partie du commando», le parquet demande cinq ans de prison, soit le minimum légal pour le vol à l’aide de violences et menaces. C’est en raison d’un grand nombre de circonstances atténuantes, dont le faible trouble à l’ordre public et le fait que la victime ne semble pas avoir été si touchée, que le parquetier arrive à cette peine. Il ne s’oppose pas à un sursis partiel si c’est possible.
Même si le rôle de Nicolas a été mineur – ce que la victime a répété plus d’une fois face aux juges –, il aurait facilité les faits : «À trois, on est plus impressionnants qu’à deux.» Quant à Mike, qui reconnaît avoir participé aux faits en tapant dans le mur et qui était toujours «bourré comme un coing» le lendemain quand la police l’a interpellé, le parquet est d’avis qu’il ne faut pas faire application de l’article 71-1 du code pénal. Dans sa plaidoirie, son avocat avait expliqué que l’altération de son discernement avait été retenue dans d’autres affaires en raison de ses problèmes psychiatriques.
La 13e chambre criminelle n’a pas pu interroger Hamza. Car le jeune homme de 21 ans que le parquet considère comme «l’instigateur» ne s’est tout simplement pas présenté au procès jeudi après-midi. Contre lui, 7 ans de prison ferme ont donc été requis.
Une première attaque au pistolet lacrymogène
Dans la foulée, les juges se sont penchés sur un autre incident. Il s’agit en quelque sorte du prélude de l’affaire criminelle. Lors de sa plainte, la victime avait en effet déclaré s’être déjà fait agresser par Hamza le 19 janvier. Cette fois-là, à l’aide d’un pistolet lacrymogène. À l’époque, le différend aurait aussi tourné autour de sa Peugeot 308. «Je lui avais prêté ma voiture, mais il ne me l’a jamais ramenée», raconte la victime. Pour cet abus de confiance et les menaces, le parquet requiert 24 mois de prison. Lors de la perquisition, la police avait découvert des armes dans la cave chez Nicolas. Le fameux pistolet n’en faisait pas partie. Toujours est-il que sous les vêtements se cachait une autre arme prohibée. «Je les conservais pour Hamza depuis une semaine», s’est défendu Nicolas. Pour cette détention, le parquet demande une simple amende.
Prononcés le 25 février.
Fabienne Armborst