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Proxénétisme au cabaret


photo illustration AFP

Depuis mardi, quatre hommes et une femme comparaissent pour proxénétisme. Le tribunal a d’abord entendu la buvetière du cabaret qui a porté plainte. Le parquet reproche aux cinq prévenus âgés entre 28 ans et 57 ans d’avoir incité les danseuses à se prostituer dans des espaces séparés de leur établissement rue de Strasbourg, à Luxembourg, en abusant de leur situation précaire.

« Il n’y a jamais eu de prostitution. On vendait du champagne, pas des filles», s’est exclamée, mardi matin à la barre, la gérante du cabaret. Le patron conteste également l’ensemble des infractions qui lui sont reprochées et affirme ne « jamais avoir forcé quelqu’un à se prostituer chez lui ». Quant aux armes prohibées retrouvées chez lui, il explique les avoir achetées sur un marché en Allemagne.

Les faits reprochés aux gérants, sous-gérants et exploitants de ce cabaret de la rue de Strasbourg ont perduré jusqu’en 2012. C’est en mai 2011 que la police avait ouvert ce dossier, après qu’une buvetière avait porté plainte. « On m’a tabassée et rouée de coups », a-t-elle témoigné, mardi à la barre, en désignant un serveur qui se trouve aujourd’hui sur le banc des prévenus. « Il m’a un peu forcé la main vers un client .» La femme, âgée aujourd’hui de 28 ans, a expliqué qu’elle avait refusé de s’adonner à la prostitution à l’époque. Après cette altercation, les deux patrons lui auraient fait savoir que si elle prévenait la police, elle serait virée.

De l’enquête, il ressort aujourd’hui que le cabaret encaissait des sommes exorbitantes pour des bouteilles de champagne. Après avoir déboursé au minimum 300 euros pour une bouteille, le client avait le droit de se rendre dans un espace séparé avec une danseuse.

Une perquisition auprès de la Cetrel (leader des transactions d’argent électroniques) avait permis aux enquêteurs de retracer 95 clients qui avaient dépensé plus de 300 euros au cabaret en l’espace d’un mois et demi. « Sur les quinze personnes entendues, six avaient confirmé avoir eu des relations sexuelles dans un « séparé » », a noté mardi le policier de la section mœurs. Au cours de ces auditions, plusieurs clients avaient également déclaré avoir eu des soucis avec leur carte de crédit. Ils avaient en effet constaté que sur leur relevé de compte figuraient plus de paiements que ce qu’ils avaient réellement dépensé au cabaret. Seul un client avait toutefois porté plainte pour 810 euros. « Je conteste avoir soustrait de l’argent », s’est défendu mardi le serveur qu’on soupçonne de ce vol.

Plus de 111 000 euros saisis chez les gérants

Lors de la perquisition menée au cabaret et au domicile des gérants en début d’année 2012, les enquêteurs avaient saisi plus de 111 000 euros en liquide. Le gérant avait prétendu ne pas faire confiance aux banques. Voilà pourquoi il gardait son argent chez lui. Selon sa déposition, les hôtesses de son cabaret gagnaient 930 euros par mois et percevaient 20 % sur les consommations en boissons des clients. Or il nie tout acte de prostitution au sein de son établissement.

L’ancienne buvetière, qui a porté plainte en 2011, était pourtant formelle, mardi, affirmant que les relations sexuelles étaient bien incluses dans le prix de la bouteille de champagne. « Comme pour toutes les filles, la gérante m’a mis la pression pour que je couche avec les clients .» Elle y aurait échappé uniquement parce qu’elle avait « toujours trouvé des parades ». Les autres filles venaient essentiellement des pays de l’Est.

Toujours selon le témoin, l’objectif dicté par les patrons était de faire consommer les clients au maximum : « Si au bout de dix minutes le client ne consommait pas plus, on nous mettait la pression. »

À l’époque, la buvetière gagnait environ 2 000 euros par mois. Les patrons lui auraient promis que si elle faisait plus de 50 000 euros en un mois, elle aurait droit à 10 % sur la caisse. Mais selon elle, ces promesses n’avaient jamais été concrétisées.

Pour le préjudice moral et physique subi, la victime réclame aujourd’hui 20 000 euros de dommages et intérêts. Le procès, qui doit durer trois jours, se poursuit ce mercredi après-midi.

Fabienne Armborst