Elle dit avoir été violée à l’issue de la soirée bien arrosée. Les deux jeunes hommes contestent les reproches et parlent de relations consentantes. Le procès s’est ouvert mardi avec un témoignage poignant.
«C’est une consultation que je ne suis pas prêt d’oublier dans mes 30 ans de métier. Pendant une heure et demie, elle m’a raconté toute l’histoire dans ses détails. Normalement au bout de 40 minutes j’ai l’habitude de stopper mon patient», se souvient le psychiatre qui a rencontré la jeune femme. Mais face à son désarroi et son émotion, il l’avait laissée parler.
Les faits remontent au 27 juillet 2017. Elle avait porté plainte le 31 juillet. Le temps qu’elle avait mis n’étonne guère le spécialiste qui avait décelé un état de stress aigu : «J’ai l’impression qu’elle a mis quatre jours pour comprendre ce qui s’est passé avec elle.»
Les rapports sexuels entre elle et les deux jeunes hommes en cette fin de soirée ne sont pas contestés. Mais étaient-ils consentants? C’est la question sur laquelle la 13e chambre criminelle planche depuis mardi matin. Car, sur ce point, les versions divergent. «Rien n’est vrai», ont déclaré à l’unisson les deux prévenus de 27 et 32 ans à l’ouverture de leur procès. Ils contestent fermement les viols.
Tandis que du côté de la plaignante, âgée aujourd’hui de 28 ans, l’émotion était toujours bien palpable. Au cours d’un témoignage poignant elle a retracé cette fin de soirée telle qu’elle l’a vécue. Invitée par un ami – c’était le colocataire d’un des prévenus – elle les avait rejoints vers 23 h dans leur appartement à Mersch. Une amie ne pouvant pas l’accompagner, elle s’était retrouvée seule avec les trois hommes. En voyant à son arrivée une bouteille vide et une bouteille de vodka, elle avait senti que le début de soirée avait bien été arrosé. Mais en compagnie de son ami, aucune crainte.
C’est la raison pour laquelle elle les avait accompagnés pour boire un verre dans un bar et qu’elle était aussi revenue ensuite avec eux à l’appartement. Ils y avaient décongelé une pizza, fumé une cigarette sur le balcon, discuté, comparé leurs tatouages… Et puis, toujours selon ses dires, cela avait dégénéré à la suite de quelques déclarations déplacées.
«Tu dors dans un lit de princesse…»
Voyant que son ami était parti se coucher, elle aurait décidé de prendre sa veste et son sac pour partir. Mais les deux l’en auraient empêchée. L’un aurait saisi ses bras par l’arrière. L’autre était posté devant elle. «Que voulez-vous faire avec un type de 2 mètres devant vous et un autre derrière vous?» Face à leurs gestes, elle se souvient d’avoir fermé les yeux. Et pourquoi n’a-t-elle pas appelé son ami qui dormait au lit? «Plus rien n’allait, tellement j’étais terrorisée», poursuit-elle tandis que ses larmes ruissellent. Appuyée contre la barre, elle demandera de retirer un instant son masque pour prendre un peu d’air et se moucher avant de poursuivre son récit.
À trois, ils avaient terminé dans la chambre à coucher. Ne voyant aucune chance de se défendre avec son petit gabarit, elle raconte avoir tenté de les ridiculiser pour qu’ils se sentent moins virils. En apercevant le lit IKEA qu’ont beaucoup de filles, elle lui aurait lancé : «Tu dors dans un lit de princesse…» Sans effet.
«Ils m’ont prise comme une marionnette. Je ne pouvais rien faire du tout avec les 1,57 m que je mesure… Jamais je ne me suis sentie aussi impuissante…» Pendant trois heures et demie, elle dit avoir subi ce calvaire. «Je n’ai rien fait volontairement.» «J’avais peur pour ma vie», dira-t-elle encore. Vers 5 h 30, elle avait finalement quitté l’appartement. Avant d’en parler à une amie, elle avait mis trois à quatre jours. «J’ai essayé de me dire que cela ne s’est pas passé…» Ensemble, elles s’étaient rendues au Planning familial, qui leur avait conseillé de contacter la police. L’enquêteur sera entendu ce mercredi après-midi lors de la suite du procès.
Pas d’intoxication alcoolique, selon l’expert
La soirée semble avoir été bien arrosée. Mais ce qu’on sait déjà c’est que d’un point de vue psychiatrique une intoxication alcoolique des deux jeunes hommes n’est pas possible. C’est l’expert en neuropsychiatrie qui les a examinés, qui le dit. Dans son rapport d’expertise, il ne retient «aucune abolition ou altération du discernement au moment des faits».
Fabienne Armborst