Troisième jour du procès pour des faits liés au terrorisme : Kevin s’est enfoncé aux yeux des magistrats et Alyson a livré sa vérité. Ils assurent suivre un islam plus modéré.
Kevin et Alyson cherchaient-ils la vérité ou étaient-ils convaincus de la détenir ? Les deux prévenus, ballottés par la vie, en cherchant un cadre et une appartenance, semblent s’être perdus dans un univers qui les dépasse. C’est du moins l’impression qu’a donnée la jeune femme lors de son témoignage à la barre de la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg vendredi matin. Elle le reconnaît, «je n’ai pas beaucoup de connaissances», et dit s’être laissé manipuler dans sa quête de paix et de repères auxquels s’accrocher pour vivre dans l’islam. Elle paraît sincère quand elle affirme que Kevin et elle ne faisaient que se renseigner pour affiner leur recherche de vérité et d’absolu. «On cherchait la petite bête», lance la jeune femme de 26 ans.
Aujourd’hui, elle aurait changé, mais ne regretterait rien. «J’assume les conséquences de mes actes. Je suis passée par des chemins dangereux pour atteindre cette vérité que nous aurions pu obtenir dans les livres», indique-t-elle, «Depuis, nous avons acheté des livres et nous avons réuni les pièces du puzzle pour trouver un islam de paix.» C’est cette quête personnelle uniquement qui aurait motivé leurs actions. Il ne faudrait y voir aucun acte intentionnel de propagande ou aucune volonté quelconque d’inciter qui que ce soit à grossir les rangs de Daech – seul groupe à prêcher le vrai islam, selon les deux prévenus –, ni même à lui prêter allégeance, a indiqué Alyson, posément.
Jamais son époux et elle n’auraient prêté allégeance à l’un ou l’autre groupe terroriste, répète-t-elle. «Kevin cherchait une preuve contre l’État islamique qui l’aurait rendu mécréant pour tout arrêter», affirme-t-elle. De même que sur leurs pages Facebook – souvent signalées par des internautes qui n’étaient pas d’accord avec eux ou qui étaient lassés par les demandes perpétuelles de traduction ou d’information de Kevin – et sur les trois sites internet du jeune homme, il n’aurait été question que de dogme. Kevin aurait voulu «dévoiler des sujets cachés ou faux», car «il est important que les gens sachent ce qui se passe vraiment dans l’islam. La passion de Kevin est de chercher des informations pour réfuter les choses fausses.»
«Un complot policier»
Interrogé à son tour, le jeune homme prétend qu’il «sauvait les gens de l’enfer» en se renseignant sur les annulatifs. Il suffirait pour un croyant d’en commettre un seul pour que son islam s’annule et qu’il aille en enfer. Le prévenu a continué à nier les faits qui lui sont reprochés, à crier au complot contre sa personne et à une manipulation des éléments de l’enquête par les policiers de la cellule antiterroriste. Kevin et Alyson sont suspectés d’avoir activement participé au groupe État islamique, notamment en diffusant des messages et du matériel de propagande. Une perquisition avait été effectuée au domicile du couple par la cellule antiterroriste le 19 juin 2018 et le jeune homme avait été placé en détention préventive dès le lendemain.
Pendant une vingtaine de minutes, après s’être excusé pour son comportement rebelle de la veille, Kevin a lu des passages d’ouvrages religieux pour tenter de démontrer que la rédaction des passages partagés sur les réseaux était antérieure à la création de l’État islamique et qu’il ne partageait donc pas les positions de ce dernier à proprement parler. Un exercice que le président de la 12e chambre correctionnelle a trouvé «très éloquent en ce qui concerne (son) état d’esprit». Le prévenu poursuit en indiquant avoir compris que Daech fait partie d’un complot mondial pour discréditer les musulmans. Personnellement, depuis son séjour en prison et avec l’aide de l’association respect.lu, il se serait tourné vers des courants plus modérés de l’islam.
Il aurait donc mis un frein à ses «recherches», mais ne semble toujours pas comprendre ce que la justice lui reproche. «Je suis la victime d’un complot policier pour me tuer. Je ne sors plus de chez moi», affirme le prévenu. «Je dénonce tout et c’est moi qui ai des problèmes.» Kevin prétend avoir fait l’objet de trois tentatives d’empoisonnement en prison et attribue le déclin de sa santé aux conséquences des poursuites engagées contre lui.
Cette troisième audience touche à sa fin. Le procès ne se termine pas dans les délais prévus en raison du retard pris dans l’affaire du CSV-Frëndeskrees. Reste la plaidoirie de la défense et le réquisitoire du parquet. Son représentant a estimé qu’il n’en aurait pas pour longtemps. «Le dossier parle de lui-même, assène le magistrat, et tout le monde aura compris le fanatisme dont le prévenu est empreint.»
La suite des débats est fixée au mardi 9 novembre à 9h.
Sophie Kieffer