Jeff Cigrand a-t-il réellement pris le parti d’en rire ou a-t-il, sous couvert de l’humour, voulu nuire à un adversaire politique? La 12e chambre correctionnelle devra trancher.
«Terroriste», «fasciste», «antisémite», «gros»… Voilà Christian Isekin rhabillé pour l’hiver par Jeff Cigrand, le président de d’Partei. Le président du Parti pour la démocratie intégrale (PID), fondé en 2013 par l’ancien député ADR Jean Colombera, n’a pas apprécié ces propos partagés sur les pages Facebook du président et de son parti «pour le travail, l’État de droit, le truc machin, la promotion des élites et l’initiative démocratique de base» et a porté plainte pour injures et diffamation.
Cité hier à la barre de la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, Jeff Cigrand, 28 ans, a prétendu ne pas avoir voulu «insulter» Christian Isekin – qui était absent – mais avoir «juste réagi au contenu de certains de ses posts» sur les réseaux sociaux en les ayant «critiqués de manière satirique». Son mouvement politique aimerait utiliser des moyens humoristiques pour présenter des idées politiques et envisage de participer aux trois élections prévues en 2023.
Si l’informaticien a pris le parti d’en rire, ce n’est pas le cas de la défense de Christian Isekin, qui estime que ces propos partagés au cours de l’été 2020 et de décembre 2020 à janvier 2021 ont «mis en péril l’honneur de Christian Isekin». Celui qui, sur son site internet, se présente comme un activiste politique «n’est pas un antisémite, un fasciste et il condamne le terrorisme», martèle son avocat. Les propos diffamatoires proférés par Jeff Cigrand et d’Partei ne seraient pas fondés.
«Être traité de fasciste n’est pas un compliment, c’est une injure, pour un homme qui milite en faveur de la démocratie directe, que d’être comparé aux leaders de régimes autocratiques tels que Hitler ou Mussolini», affirme l’homme de loi.
L’avocat a demandé la condamnation de Jeff Cigrand et de son parti pour injures et diffamation ainsi que le versement de respectivement 5 000 et 3 000 euros de dommages moraux à son client, de même que la suppression des posts incriminés. Il a balayé l’argument de l’humour et de la satire qui ne figureraient pas dans les statuts du parti.
«Une petite guéguerre»
Les avocats du parti et de son président ont, quant à eux, plaidé l’acquittement. Jeff Cigrand n’aurait rien inventé à l’encontre de Christian Isekin et n’aurait pas eu l’intention de nuire, répète son avocate. Il n’aurait fait que répondre avec un certain humour aux propos partagés en ligne par Christian Isekin.
Selon elle, ce dernier prétendrait que «la Terre est plate», que «Bill Gates règne sur le monde» ou «que les juifs sont derrière le nouvel ordre mondial», entre autres théories du complot. Il aurait également partagé des textes et des propos antisémites. Ce qui lui a valu d’être condamné à un an de prison avec sursis ainsi qu’à une amende.
Son confrère estime, quant à lui, que le parti d’Partei n’aurait rien à voir dans ce qu’il qualifie de «petite guéguerre qui ne date pas d’hier» entre ses deux anciens transfuges du Parti pirate. «Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des posts incriminés ont été publiés sur le compte Facebook de Jeff Cigrand», précise-t-il. «Christian Isekin fait un amalgame (…) pour nuire au parti politique». Jeff Cigrand n’aurait pas agi sur demande de son parti et n’aurait fait que «répliquer» et «s’interroger sur les intentions de Christian Isekin».
La représentante du parquet a évoqué «deux équipes polarisées» et «deux hommes très actifs en ligne». Elle s’est toutefois refusée de mêler justice et débat politique et s’en est remise aux juges pour déterminer si le terme «fasciste» pouvait être considéré comme une injure. Ce dont elle est certaine, dit-elle, c’est que l’emploi du terme «terroriste» envers le plaignant qui n’en est pas un, est injurieux. De même que l’emploi de l’adjectif «gros». Quant à la sanction à appliquer à l’encontre de Jeff Cigrand, elle a préféré s’en remettre aux juges de la 12e chambre correctionnelle.
Le prononcé est fixé au 2 décembre.
Sophie Kieffer