Au printemps 2018, un duo s’était introduit la nuit dans la maison d’une octogénaire pour lui dérober bijoux et argent. La victime a témoigné mardi matin lors du procès devant la chambre criminelle. Sur le banc des prévenus : le voleur identifié grâce à ses traces ADN…
«J’étais au lit quand ils sont entrés à deux dans ma chambre.» Ce soir du 23 mai 2018, l’octogénaire n’est près de l’oublier. Il est 22 h passées. Pendant qu’un jeune homme la tient aux poignets, l’autre fouille son armoire où il y a tous ses bijoux. «Effrayée», elle raconte avoir préféré ne pas appeler à l’aide. Surtout que l’un des malfrats lui avait lancé de ne pas piper mot.
«À l’époque, je n’étais pas encore en chaise roulante. Ma santé n’a pas profité de cette affaire», témoigne la victime, âgée aujourd’hui de 82 ans. Les voleurs avaient au final quitté sa maison, à Kayl, avec l’ensemble de ses bijoux et quelque 1 500 euros en argent liquide. À entendre l’avocate de la victime, la valeur des bijoux dérobés a été évaluée à 55 670 euros.
Près de trois ans après les faits, l’un des deux auteurs comparaissait mardi matin à la barre de la 13e chambre criminelle. Jovan P. (26 ans) a été identifié grâce à ses traces ADN découvertes à quatre endroits de la maison : sur la poignée intérieure de la porte d’entrée, la clé de cette dernière, le porte-monnaie rangé dans la table de nuit et les draps de lit de la victime.
À son arrivée sur les lieux, la police avait aussi découvert une fenêtre cassée. Le jeune prévenu reconnaît s’être introduit dans la maison de l’octogénaire cette nuit-là. «Mais le principal organisateur, c’était l’autre», affirme-t-il. C’est «par peur» qu’il aurait participé. À cause d’une dette de 2 000 euros qu’il avait envers son acolyte… «Je n’avais pas cet argent. Il m’a dit : “Si tu ne veux pas avoir de problèmes, il faut que tu viennes avec moi”. À l’époque, je voulais protéger ma femme et mon fils de 5 ans…»
«Sur le chemin du retour, on était quittes!»
C’est ainsi qu’il avait pris place à côté de lui à bord de sa Peugeot 307. À leur arrivée à Kayl, il aurait été censé faire le guet. L’autre aurait cassé la vitre. Comme au rez-de-chaussée de la maison, ils n’avaient rien trouvé, ils étaient montés à l’étage. Grâce aux traces ADN, on sait aujourd’hui que c’est Jovan P. qui a maintenu la victime au lit, l’empêchant de bouger. «Je regrette. Je veux m’excuser», a-t-il répété hier plusieurs fois face aux juges.
Avant de quitter les lieux, il avait tendu 20 euros à la victime. Cet argent, il déclare, l’avoir trouvé en fouillant dans la table de nuit. Mais là encore, il n’aurait que suivi les ordres de son acolyte. «Sur le chemin du retour, il m’a dit. Maintenant tu ne me dois plus rien…On était quittes!»
À l’heure actuelle, il n’y a toutefois pas de second homme sur le banc des prévenus. Sous le coup d’un mandat d’arrêt européen (MAE), Jovan P. a été arrêté le 28 mai 2020 à la frontière en Hongrie. D’après ses dires, il était en route entre la Serbie et la France pour rejoindre sa famille. En juillet 2020, il a été extradé au Luxembourg où il a cité le nom d’un autre homme. Mais il s’est avéré que ce dernier n’avait rien à voir avec le dossier. Par la suite, Jovan P. s’est ravisé. Il a redonné un autre nom… D’autres vérifications ont été lancées.
Toujours est-il que pour le parquet Jovan P. est bien à considérer aujourd’hui comme un auteur à part entière. Car selon le témoignage de la victime, le duo a commis l’infraction sans échanger un mot. Une preuve donc que tous deux ont «agi de concert» : «Chacun connaissait sa mission.»
Le dommage matériel chiffré à 60 262 euros
Soulevant les aveux et l’absence d’antécédents spécifiques du prévenu, Me Philippe Stroesser avait plaidé pour une peine assortie du sursis. Le parquet n’est pas d’accord avec l’avocat. «Même s’il n’a pas d’antécédents spécifiques, il est habitué aux infractions pénales. Il a un casier judiciaire en France et en Allemagne.» Pour le parquet, vu la gravité des faits et son impact sur la victime, c’est très difficile de lui accorder un sursis. Sa représentante a requis huit ans de réclusion.
La victime s’est constituée partie civile. Par la voie de Me Isabelle Girault, elle réclame 20 000 euros au titre du préjudice moral et 38 862 euros pour le préjudice matériel (bijoux et réparation de la fenêtre cassée). Elle a été indemnisée à hauteur de 21 400 euros après les faits par son assurance. Cette dernière demande donc aussi aujourd’hui le remboursement de cette somme au prévenu.
Prononcé le 27 avril.
Fabienne Armborst