João n’a pas tiré sur Hamilton avec l’arme d’Ezequiel lors d’une bagarre pour venger l’honneur de Daniel. Le prévenu a tenté de brouiller à nouveau les pistes.
L’histoire commence par une paire de fesses à l’air à la suite d’un jeu puéril à la sortie d’une discothèque et se termine en coup de pistolet dans la tête. Entre ces deux faits, c’est le brouillard savamment entretenu par les divers protagonistes. Seuls les éléments matériels et objectifs tirés de l’enquête permettront à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg de démêler le vrai du faux et d’établir ce qui s’est réellement passé le 16 avril 2017 sur l’ancien parking de la poste à Hollerich.
Hamilton, la victime qui a perdu la mémoire, s’est constitué partie civile par l’entremise de son avocat. Il réclame 70 000 euros pour le préjudice subi. Le jeune homme a eu beaucoup de chance. «Le parcours de la balle est inhabituel», estime un médecin spécialiste en médecine légale. «Il est rare que ce type de projectile ne cause pas de blessures internes.» Déviée par l’os orbital, la balle aurait cheminé par les glandes salivaires, la thyroïde et l’œsophage avant d’atteindre l’estomac. Le coup de feu aurait été tiré à bout portant, mais la force avec laquelle la balle a été éjectée n’aurait pas été suffisante pour fracturer le crâne.
L’arme en question a été brandie par la victime elle-même. Il s’agissait d’un minuscule pistolet semi-automatique d’à peine quelques centimètres. Un des enquêteurs a apporté un modèle identique pour démonter une des versions de João. Le prévenu prétendait qu’il avait placé son doigt sur celui de la victime sur la gâchette et que le coup de feu serait parti tout seul alors qu’il tentait de le désarmer. Or, il n’y a pas la place pour deux doigts.
«J’allais assumer pour le groupe»
À la barre hier, João a donné une nouvelle version des faits et dans cette version, il n’a pas tenu le pistolet et ne sait pas qui a tiré mais assure: «Je n’ai pas tiré». Les versions données aux policiers et au juge d’instruction étaient des mensonges, a-t-il expliqué. «Mon avocat de l’époque m’a dit de parler. Je me suis dit que j’allais inventer une histoire et que j’allais assumer pour tout le groupe. (…) Avec la loyauté qu’on avait pour le groupe à l’époque, aller en prison, ce n’était rien.» «Si vous vous faites condamner, j’espère que le groupe viendra vous apporter des oranges en prison», ironise la présidente de la 13e chambre criminelle.
Il n’a pas tenté de désarmer la victime présumée, jure le prévenu plein d’aplomb. «Vous avez lu le dossier?», lui demande la présidente de la 13e chambre criminelle. «Vous vous dites qu’il n’y a pas de preuves contre vous et vous contestez.» Le jeune homme s’entête et dit s’être blessé à la main avec son couteau, mais ne pas avoir touché l’arme. Or, lui précise la présidente: «On n’a pas trouvé de couteau» et «le médecin légiste estime que votre blessure ne correspond pas à une blessure au couteau». Mais plutôt à une éraflure causée par la glissière de l’arme au moment du tir. Les policiers ont retrouvé le couteau, mais ne l’ont pas mis au dossier, accuse João. «Vous vous rendez compte que rien dans ce dossier ne confirme l’histoire que vous racontez?», s’emporte la magistrate face au prévenu qui a réponse à ce qui l’arrange.
Des réponses qui n’ont pas non plus convaincu le parquet. Sa représentante estime qu’«il est bel et bien l’auteur» du coup de feu et doit être condamné pour tentative de meurtre. «Le coup de feu n’est pas parti par accident», «João a manié le pistolet lui-même et a sciemment appuyé sur la gâchette» en visant la tête. Elle ne croit pas en la thèse de la légitime défense ou en l’excuse de provocation avancée par la défense du jeune homme de 25 ans, même si elle reconnaît que si la victime n’avait pas pris l’arme d’un ami, rien de tout cela ne se serait produit. La magistrate a requis une peine de 12 années de réclusion et ne s’est pas opposée à un sursis partiel de cette peine malgré, entre autres, l’«attitude arrogante» du prévenu à la barre qui «a eu d’autres choix au moment des faits que la tentative de meurtre».
La défense a plaidé l’acquittement de tous les chefs d’inculpation retenus à la charge du prévenu. João n’a jamais eu l’intention de donner la mort, soutient son avocate. Si le jeune homme a retourné l’arme contre la victime, c’était pour se protéger lui-même alors qu’il voulait désarmer Hamilton pour mettre l’arme en lieu sûr. Il aurait agi dans le feu de l’action et n’aurait pas eu le temps de réfléchir. De plus, la blessure infligée à la victime «n’a pas mis sa vie en danger». La représentante du parquet lui a rétorqué que «s’il n’a pas tiré, pourquoi plaider la légitime défense et l’excuse de provocation?» avant de rejeter ces deux moyens de défense.
Le prononcé est fixé au 30 mars prochain.