Carole avait ouvert une Fixerstuff bis à son domicile. Kevin y vendait de la drogue depuis cinq jours pour rembourser une dette quand la police a fermé la boutique.
Kevin s’est fait arrêter par la police à Esch-sur-Alzette quinze jours après être sorti de prison en France. Le jeune homme de 23 ans vendait de la cocaïne au pied de l’immeuble de Carole. Une adresse bien connue depuis quelque temps des services de police judiciaire et des toxicomanes. Carole les accueillait dans l’appartement qu’elle occupait. Ils pouvaient acheter leur dose sur place à un dealer hébergé par la quadragénaire et la consommer. Le tout au chaud et à l’abri des regards. Rencardée, la police a suivi une cliente qui se rendait à l’appartement le 1er mai 2021 et a pincé les deux protagonistes de cette affaire.
Une dose contre l’hospitalité
À la barre de la 18e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, le jeune Français originaire de Laxou en Meurthe-et-Moselle explique avoir vendu de la drogue pour rembourser une dette de 3 000 euros contractée avant d’entrer en prison. Son sursis avait été révoqué. L’homme à qui il devait l’argent lui a donné une adresse à Nancy où récupérer 15 grammes de cocaïne et un téléphone sur lequel des clients pouvaient le joindre, a poursuivi Kevin avec un fort accent lorrain. Il n’aurait eu le temps de vendre qu’une dizaine de grammes à peine «à trois ou quatre personnes» avant de se faire pincer, cinq jours après avoir commencé l’activité.
Carole, 44 ans, recevait sa dose quotidienne en échange de son hospitalité. «Cela a duré au maximum un mois», indique-t-elle. Aujourd’hui, la mère de famille a déménagé et suit un programme de substitution à la méthadone. «Elle est clean depuis un an après avoir consommé divers types de stupéfiants pendant 28 ans, précise son avocate. À l’époque, elle était influençable parce qu’elle était sous l’emprise de sa dépendance.» Issu d’un milieu social défavorisé et de parents toxicomanes, Kevin est tombé dans la délinquance très jeune, mais jamais dans la drogue, selon son avocat, Me Stroesser. Il indique que ce n’est pas la première fois qu’il défend un prévenu français venu rembourser une dette au Luxembourg en vendant des stupéfiants.
Persistance délictuelle
Cela n’excuse en rien «la persistance dans la criminalité de Kevin et la facilité avec laquelle Carole a basculé», estime la représentante du parquet. «Vendre de la drogue semble être tout à fait naturel pour Kevin.» Cela en est même «effrayant», selon elle. Son casier judiciaire «fait état d’une persistance délictuelle», d’une absence totale de prise de conscience et «d’une méconnaissance des règles de vie en société». La magistrate, se basant sur l’enquête policière et les divers témoignages de clients de Kevin, requiert une peine de 24 mois de prison à son encontre pour vente, importation, transport et détention de stupéfiants. Elle se montre défavorable à une amende qui risquerait d’inciter Kevin à rebasculer dans la délinquance.
Contre Carole qui «a installé une Fixerstuff» à son domicile, la représentante du parquet requiert une peine de 12 mois de prison assortie du sursis intégral pour avoir soutenu la mise en circulation de stupéfiants, facilité leur usage et détenu les drogues qui lui étaient remises en tant que «loyer». Étant d’avis que la jeune femme «devait sentir la sanction», elle a également requis «une amende conséquente» contre elle. «Le logement qui a été mis à sa disposition dans le cadre de l’aide sociale qu’elle reçoit a été perverti», explique la parquetière.
Des personnes bien plus malignes que lui
«24 mois, cela me semble beaucoup pour dix grammes de cocaïne et 5 jours de vente», s’exclame Me Stroesser à l’issue du réquisitoire du parquet. Il explique que Kevin serait tombé dans le piège de personnes bien plus malignes que lui. Il aurait été une sorte de candidat idéal pour les personnes qui tirent les ficelles de ce trafic de stupéfiant. Il demande une peine beaucoup plus basse pour permettre à son client de reprendre sa formation de peintre et de se remettre sur le droit chemin. Lui aussi demande à la chambre criminelle de faire l’impasse sur une amende, Kevin n’ayant pas de revenus.
L’avocate de Carole plaide en faveur de travaux d’intérêt général à défaut d’une peine de prison ou subsidiairement d’une amende ou encore plus subsidiairement d’une peine de prison la plus basse possible assortie du sursis intégral. La quadragénaire a un casier vierge, plaide son avocate, et n’était, à l’époque des faits, «pas capable de vendre de la drogue» et «n’en a même jamais eu l’idée».
Kevin et Carole seront fixés sur leur sort le 17 mars.