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Prise illégale d’intérêts : l’ex-bourgmestre de Sandweiler risque la prison


Au cœur des débats se trouve l'acquisition en novembre 2010 d'un terrain par Charles Unsen, en son nom, à un prix «avantageux» de 16 500 euros par are. (illustration Editpress)

Le procureur d’État requiert une peine de prison et une amende contre l’ex-bourgmestre de Sandweiler Charles Unsen, poursuivi pour prise illégale d’intérêts.

« Aurait-il fallu, afin d’éviter toutes les suspicions, engager quelqu’un d’autre que la femme qui faisait bien son travail ? » Pour Me Albert Rodesch, le dossier que le parquet reproche à l’ex-bourgmestre socialiste de Sandweiler Charles Unsen (72 ans) repose uniquement sur des suspicions.

Au cœur des débats se trouve l’acquisition en novembre 2010 d’un terrain par ce dernier, en son nom, à un prix «avantageux» de 16 500 euros par are. Le problème est que la commune avait acquis peu de temps avant, du même propriétaire, une parcelle de trois ares attenants pour 70 000 euros l’are… Cerise sur le gâteau : la venderesse de ces parcelles s’est ensuite vu octroyer un contrat de 40 heures par semaine dans les services communaux.

Augmenter de 20 heures à 40 heures la tâche de Habiba Z., une femme qui travaillait déjà pour la commune de Sandweiler et y résidait, n’a rien de répréhensible, selon Me Rodesch. Au contraire, la commune aurait même fait des économies. «Car payer des heures supplémentaires coûte plus cher», a-t-il argué.

L’acquittement plaidé

Dans sa plaidoirie mercredi après-midi, l’avocat de l’ex-bourgmestre Charles Unsen a estimé que son client a toujours agi dans l’intérêt de sa commune. Bref, il ne se serait pas rendu coupable des infractions de prise illégale d’intérêts et de corruption. Pour l’acquisition de son terrain de 9 ares pour 150 000 euros, il aurait en effet payé un prix trois fois supérieur à la valeur évaluée par un expert judiciaire. Quant au reproche selon lequel l’élu, avocat de profession, serait intervenu activement dans l’acquisition de la parcelle de trois ares au prix de 215 000 euros – une parcelle qui devait faire l’objet d’un échange de terrains selon un compromis conclu en 2008 –, il l’a également balayé : «L’acquisition a été décidée par le collège échevinal.»

Si Me Rodesch a plaidé l’acquittement, l’avocate de la venderesse, Habiba Z. (46 ans), poursuivie avant tout pour corruption, a demandé l’irrecevabilité des poursuites en raison du dépassement du délai raisonnable. «Les faits reprochés remontent aux années 2009 à 2011», a argué Me Giulia Jaeger.

L’argument peut tout au plus valoir une réduction de peine, selon le procureur d’État, Jean-Paul Frising. Après avoir fait le tour des opérations immobilières effectuées, il a demandé de retenir notamment les infractions de prise illégale d’intérêts et de corruption à l’encontre de l’ex-bourgmestre Charles Unsen. «C’est lui qui dirigeait toutes les opérations.» Tandis que lui aurait tout contrôlé, Habiba Z. n’aurait rien fait d’autre que d’accepter son plan. Voilà pourquoi elle serait à condamner pour corruption. «Fin mars 2011, Habiba Z. avait 460 000 euros à son actif, un emploi de 40 heures par semaine à la commune de Sandweiler et avait décroché un emploi pour sa cousine», a-t-il récapitulé.

« Il sait lire et écrire »

Le jour de la signature de l’acte notarié pour sa parcelle de 9 ares, Charles Unsen avait aussi versé 100 000 euros sur le compte de Habiba Z. avec la mention «indemnité». L’explication selon laquelle il s’agissait d’un prêt, le procureur n’y croit pas : «On nous explique que c’est l’erreur d’un employé de guichet. Charles Unsen est avocat de profession. Il sait lire et écrire. Pour le virement d’une somme d’une telle importance, on ne se trompe pas.» C’est d’ailleurs seulement un an plus tard qu’une reconnaissance de dette avait été signée entre les deux protagonistes, soit quatre jours après la perquisition de la police judiciaire.

Le parquet a fini par requérir une peine d’emprisonnement et une amende appropriée contre les deux prévenus. Il demande aussi la confiscation de l’immeuble saisi et des sommes formant le produit des infractions.

L’administration communale de Sandweiler ne s’est pas constituée partie civile. Par l’intermédiaire de son avocat, Me Rosario Grasso, elle a fait savoir mercredi qu’elle attendait l’issue du procès. Prononcé le 8 mai.

Fabienne Armborst