Les parents de la victime réclament 100 000 euros de dommages et intérêts à l’ancien magistrat condamné l’été dernier. En première instance, la demande de la partie civile avait été déclarée « non fondée ».
Six mois de prison avec sursis. Voilà la peine infligée en juillet dernier à l’ancien juge des tutelles de Luxembourg pour «prise illégale d’intérêts». En mars 2013, le magistrat avait ordonné la mainlevée de la curatelle d’une femme alors qu’il entretenait une relation intime avec elle depuis juin 2012.
Si le parquet et le quadragénaire n’ont pas interjeté appel contre ce jugement, l’affaire n’est toutefois pas encore clôturée. La partie civile a en effet interjeté appel. «J’ai fait appel au nom des parents et héritiers de la victime. Car les juges de première instance ont déclaré « non fondée » la demande de la partie civile», a soulevé Me François Moyse, lundi après-midi, devant la Cour d’appel. L’avocat des parents de la victime décédée dans un accident de voiture le 17 juillet 2014 réclame 100 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral. « L’affaire s’est terminée dans un cercueil », avait-il ainsi considéré, lors du premier procès.
Dans leur jugement, les premiers juges ont dit qu’il n’y a pas de relation causale entre l’infraction retenue et le dommage moral invoqué par les parents. Me Moyse demande à la Cour d’appel de réformer ce raisonnement. Car selon lui, il n’y a pas de doute que la décision du magistrat a entraîné la mort de la jeune femme. « C’est lui qui l’a autorisée d’acheter une voiture », argue Me Moyse rappelant que ce sont les parents qui avaient saisi le juge des tutelles. Leur but : éviter que leur fille confrontée notamment à des problèmes d’alcool dilapide son patrimoine. Il poursuit : « La justice était là pour protéger leur fille. Or la décision du juge n’a pas été objective du tout. Elle devait embellir leur relation. »
«Mon client n’est pas responsable du décès»
Me Rosario Grasso, l’avocat de l’ancien magistrat, suspendu de ses fonctions fin 2015 et mis à la retraite début 2017, ne partage pas les conclusions de son confrère : « On veut nous faire croire que si le juge des tutelles n’avait pas autorisé qu’elle achète une voiture et qu’il n’avait pas levé la curatelle simple, la victime n’aurait pas eu d’accident de la circulation et qu’elle serait toujours en vie. »
D’après la défense, le magistrat a pris la décision de la levée de la curatelle en suivant scrupuleusement la procédure. Il aurait aussi agi sous l’œil vigilant du ministère public qui n’a pas fait appel. Bref, il n’est « pas responsable du décès » de la jeune femme, conclut-il. « Il ne peut y avoir de relation causale directe avec le préjudice invoqué par les parents. S’il y a eu infraction, la faute n’est pas en relation avec le préjudice .» Voilà pourquoi il demande à la Cour d’appel de confirmer le jugement de première instance.
Le parquet général, quant à lui, se rapporte à sagesse de la Cour.
Prononcé le 21 mars.
Fabienne Armborst