Jusqu’au bout, les deux hommes arrêtés à Paris avaient contesté avoir participé à plusieurs home-jackings et cambriolages en 2017. Mais la chambre criminelle ne les a acquittés que pour certains faits…
Bracelets en or, boucles d’oreilles, pendentifs, bague avec solitaire, montres… ce sont des bijoux d’une valeur de plusieurs centaines de milliers d’euros qui avaient disparu. Rien que pour le home-jacking à Luxembourg-Belair le 25 novembre 2017, la valeur totale du butin avait été évaluée à 890 000 euros.
C’est précisément ce fait qui avait fait avancer l’enquête. Et plus particulièrement le visionnage des caméras de surveillance du City Concorde à Bertrange d’où revenait le couple d’octogénaires, ce samedi après-midi, quand il s’est fait agresser et asperger de gaz lacrymogène en bas de son domicile. Les images qui ont permis l’identification des deux hommes sont fortes, avait estimé la parquetière : «On assiste carrément à une filature. Ils arrivent en même temps que le couple sur le parking. Et ils suivent les époux pendant 45 minutes. Peut-être pour s’assurer que Madame portait bien les fameux bijoux?»
Bilal H. (35 ans) et Yassine E. (36 ans), identifiés grâce aux caméras de vidéosurveillance, ont été arrêtés mi-mars 2018 à Paris. Le duo a toujours contesté les faits. Mais les explications des deux hommes, qui prétendent avoir juste fait des emplettes au Luxembourg, n’avaient pas convaincu le parquet. «L’une des plus fortes preuves dans tout le dossier, c’est la trace ADN de Yassine E. retrouvée sur le gilet de l’épouse. La seule explication est donc qu’il a dû agripper la victime lors du home-jacking.»
C’est l’Audi A3 à bord de laquelle le duo a été filmé sur le parking du City Concorde qui avait permis aux enquêteurs de le relier à d’autres faits. Car la voiture avait aussi été aperçue à proximité de plusieurs lieux de cambriolages fin octobre 2017. À cela s’ajoutaient certaines images de caméras de vidéosurveillance, mais surtout les données de leurs téléphones portables. Les enquêteurs avaient pu retracer de nombreux déplacements des deux trentenaires de Paris jusqu’à Thionville. «Il est frappant que quand des faits sont commis au Luxembourg, comme par hasard, les portables des deux prévenus sont toujours éteints… Cela fait partie de leur mode opératoire», avait considéré la parquetière.
Home-jacking à Belair : 848 000 euros à indemniser
Se basant sur ce faisceau d’indices, elle avait requis 22 ans de réclusion contre Bilal H. et 20 ans contre Yassine E. Au final tous deux écopent de 15 ans de prison ferme. La 13e chambre criminelle les a en effet acquittés, jeudi après-midi, de certaines infractions.
Il y a ainsi eu acquittement pour un cambriolage à Strassen. La chambre criminelle s’est déclarée incompétente pour la demande d’indemnisation de l’assureur. Mais pour le home-jacking à Luxembourg-Belair, le duo a bien été condamné. Il doit ainsi verser au couple près de 256 000 euros de dommages et intérêts au total, dont plus de 230 000 euros au titre du préjudice matériel. L’assureur, quant à lui, se voit allouer un peu plus de 592 000 euros.
Pour le home-jacking du 17 décembre 2017 à Strassen, il n’y avait pas de constitution de partie civile, de sorte qu’on n’a pas pu en déduire si le duo a été reconnu coupable ou pas. Lors de ce fait, la victime avait été menacée de se faire déchiqueter si elle ne révélait pas où se trouvait son coffre-fort. Le parquet ne pouvait s’appuyer sur aucune donnée téléphonique, mais il y avait toujours la fameuse Audi dans les parages. Et surtout, il y avait la photo d’une montre Patek Philippe avec un cadre en or découverte dans le portable de Bilal H. «Elle est identique à la montre qui a été dérobée.»
«Moi je dis acquittement!»
Le home-jacking à Hesperange dont avaient été victimes une mère et ses deux enfants le 28 janvier 2017, était reproché uniquement à Bilal H. Comme Yassine E. avait un alibi – il était en prison –, il n’était pas poursuivi pour ce fait.
Il faudra attendre la version écrite du jugement pour connaître tous les détails de la décision des juges. C’est d’ailleurs ce que la présidente a fait comprendre à Yassine E., jeudi après-midi, quand ce dernier a indiqué à la fin du prononcé qu’il n’avait «pas du tout compris». Et d’ajouter : «Moi je dis acquittement!»
Depuis leur extradition, les deux hommes sont en détention préventive à Schrassig. Ils ont 40 jours pour interjeter appel. Tout comme le parquet.
Fabienne Armborst