Une casquette blanche et une canette de soda entamée accusent Fahed dans une affaire de home-jacking. L’ADN a parlé, pourtant son avocat évoque un doute quant à son implication.
Pendant deux heures, Sarah, 82 ans, a été retenue captive à son domicile par deux individus qui l’ont cambriolée. Selon un enquêteur, elle est encore très touchée par ce qui lui est arrivé. «Quand on évoque les faits, elle en pleure encore», expliquait-il jeudi à la barre de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
Le 13 août 2018, vers midi, un jeune homme sonne à la porte de Sarah à Bertrange. Il dit avoir besoin d’argent pour sa maman malade qui doit être opérée, se souvient la victime, qui veut «juste oublier et ne plus avoir peur». Il lui faut 3 000 euros. La dame âgée refuse. Le jeune homme aurait demandé un verre d’eau. Sarah aurait accepté et serait rentrée chez elle pour aller chercher l’eau pensant que le mécanisme de sécurité de sa porte allait s’enclencher. «J’ai oublié de mettre la sécurité quand je suis revenue d’aller chercher mon courrier le matin même», raconte l’octogénaire. Le jeune homme se serait alors engouffré dans la brèche.
Un deuxième jeune homme, Fahed, l’aurait rejoint. Il aurait empêché Sarah de bouger en la menaçant de la tuer si elle ne leur donnait pas d’argent et de mettre le feu à son domicile avant de visiter toutes les pièces de la maison pendant près de deux heures. Il serait revenu avec 250 euros trouvés dans un porte-monnaie, deux fois la même somme trouvée dans des enveloppes, des outils électriques et des smartphones avant de quitter les lieux. Le deuxième jeune homme serait resté quelques minutes encore avec Sarah. Il se serait changé avant de prendre la fuite à son tour, un tapis sous le bras.
«Le grand lui avait demandé de l’emporter. Il était le pire. Le petit ne disait rien. Il était tranquille», se souvient la dame, «J’étais sous le choc. Je ne me souviens plus exactement de tout ce qui s’est passé. Je ne sais plus non plus ce qu’ils ont volé. Il y avait une enveloppe avec une certaine somme d’argent, l’argent de mon porte-monnaie, les téléphones…» Le grand aurait secoué la dame pour l’intimider. «Mon mari venait de décéder. Je sortais de l’hôpital. Je n’avais plus la force», balbutie la dame à la barre de la 9e chambre criminelle. Ce n’est qu’une fois seule qu’elle parviendra à prévenir la police.
Le deuxième larron introuvable
«Le grand a pris une canette de soda dans le frigo et l’a bue dans la salle de bains. Il y en avait partout !», indique-t-elle. C’est cette canette et une casquette blanche oubliée sur les lieux qui confondront le prévenu. Son ADN a été trouvé dessus. Pourtant, le prévenu, en détention préventive depuis le mois d’octobre 2019, casquette Gucci vissée sur la tête et anneau doré à l’oreille gauche, prétend à la barre ne se souvenir de rien et ne pas avoir été sur les lieux.
Son avocat interroge : les traces d’ADN retrouvées sur les lieux sont-elles suffisantes pour rattacher son mandant aux faits ? Pour lui, le doute doit profiter au prévenu. Le butin n’a pas été retrouvé à son domicile et il ne correspondrait pas à la description physique faite par un témoin qui décrivait un homme de type cap-verdien et un autre à la peau sombre. Fahed est grand et a le teint mat. L’avocat demande l’acquittement.
Pour le ministère public, il n’y aurait aucun doute sur la présence du prévenu sur les lieux ce jour-là. Entendu par la police après la découverte de son ADN, le prévenu se serait vendu tout seul. Il aurait demandé si l’ADN avait été trouvé sur la casquette avant même que les enquêteurs n’aient évoqué le couvre-chef. À l’époque, il vendait des casquettes d’une célèbre marque italienne de prêt-à-porter devant le foyer Ulysse, précise le magistrat.
Le prévenu aurait commis les faits de vol et de privation de liberté pour s’enrichir au détriment de la victime. Le magistrat retient le dépassement du délai raisonnable plaidé par la défense et indique que malgré un casier judiciaire bien fourni en matière de vols simples et qualifiés, ne s’étant jusqu’ici jamais rendu coupable d’actes de privation de liberté, Fahed pouvait bénéficier de circonstances atténuantes. Le représentant du ministère public requiert une peine de 8 ans d’emprisonnement. Le prononcé aura lieu le 7 octobre.
Le deuxième larron a, lui, disparu dans la nature sans laisser de traces.
Sophie Kieffer