Difficile de démêler le vrai du faux dans cette affaire transpirant le dépit amoureux, le sexe et les comptes à régler. Une chose est certaine : Fernando a frappé José.
La chambre criminelle s’est donné beaucoup de mal pour comprendre cette affaire et comment deux hommes peuvent en venir aux mains», a tenu à préciser la présidente de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à Fernando, ce mardi au début du quatrième jour de procès. «Le parquet a libellé la tentative d’assassinat et de meurtre ainsi que les coups et blessures. J’aimerais que vous soyez honnête.»
L’homme de 58 ans a assuré avoir été agressé par José et non l’inverse. Il aurait agi en légitime défense et aurait frappé avec un bâton qu’il aurait pris des mains de Sandra. Le soir du 19 novembre 2017, à Niederkorn, Fernando aurait battu et blessé José, le compagnon de son ancienne petite amie avec un manche à balai et lui aurait porté des coups avec un objet pointu. Des armes qui n’ont pas été retrouvées. Le prévenu aurait perdu pied quand le couple lui aurait barré la route et l’aurait insulté. Les versions s’affrontent et se contredisent.
«Pourquoi avoir réagi ainsi?», interroge la juge. «Il m’avait insulté, suivi et frappé avec un nerf de bœuf quand j’étais encore dans ma voiture», se justifie le prévenu. «Il vous donne un coup et vous décidez de sortir. Quand vous tournez deux tours autour de la voiture, c’était pour vous enfuir?», poursuit la juge. José aurait arrêté de le poursuivre après le premier coup de bâton asséné pour l’obliger à lâcher le nerf de bœuf. «José a essayé de se saisir du bâton. Je l’ai poussé contre la voiture et je lui ai donné un deuxième coup parce qu’il voulait me donner des coups de poing», se souvient Fernando. «Les coups de poing, c’est la première fois que j’entends cela», s’étonne la présidente.
Ce ne serait, selon elle, pas la seule incohérence dans le récit du prévenu. Il ne correspondrait pas aux témoignages de deux témoins ayant assisté aux faits. Fernando ne parvient pas à convaincre. José ne l’aimait pas, parce qu’il sortait avec sa femme, affirme-t-il. «Sandra disait que José ne la touchait pas» et l’aurait sollicité après leur rupture. Quinze jours avant les faits, Sandra et lui auraient eu leur dernier rapport sexuel sur un parking. Fernando «n’avait personne, alors…», «vous avez fait le travail de José», complète la juge.
«Il aurait pu passer son chemin»
«L’histoire n’est pas claire du tout, a estimé à son tour le procureur. On trouve tout au plus un amant embêté et une femme déçue, José semblant être le deuxième choix.» Il a essayé d’interpréter les versions des trois protagonistes, mais ne parviendrait pas à comprendre pourquoi les insultes proférées ont «ébranlé Fernando au point de frapper le nouvel amant d’une amante dont il ne voulait plus». Il a requis une peine de 18 mois de prison pour coups et blessures volontaires, dont les cinq mois passés en détention préventive assortis du sursis intégral et le reste, du sursis partiel.
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Du magma de versions proposées par les protagonistes, les témoins et l’enquête, le magistrat a dû tirer des éléments objectifs lui permettant d’infirmer ou de confirmer des faits. Il a ainsi rejeté la légitime défense avancée par le prévenu et ne croit pas en l’existence du nerf de bœuf. Il a également écarté l’élément de préméditation et a retenu que le prévenu ne se serait pas acharné sur José après l’avoir frappé à la tête. Rien ne permettrait donc de conclure que Fernando aurait pu avoir l’intention de commettre un assassinat ou un meurtre sur la personne de José. «Cela ne signifie pas que son geste est autorisé, ponctue le procureur. Il aurait pu passer son chemin au lieu de blesser deux personnes qui l’agaçaient.»
Pour Me Veneau, l’avocat de la défense, «Fernando n’a strictement rien fait, si ce n’est de répondre aux besoins sexuels débordants d’une femme qui pensait se marier et, par ce biais, pouvoir rester en Europe». Il rejette les chefs d’accusation qui ne correspondraient pas à la réalité des faits : selon lui, le prévenu a été attaqué dans le cadre d’un «scénario» et n’a eu d’autre choix que de répliquer «après des mois de harcèlement et d’insultes». Il a plaidé la légitime défense et demandé l’acquittement de son client, qui «est victime». Ce à quoi le procureur a répliqué que «Fernando s’est retrouvé embarqué par ses propres choix».
L’avocat de la partie civile a demandé 21 000 euros de dommages et intérêts pour les dommages physiques causés à José ainsi qu’une expertise pour pouvoir fixer un montant adéquat de dommages et intérêts pour les dommages psychiques dont il souffrirait depuis les faits ou, subsidiairement, un montant forfaitaire de 15 000 euros.
Le prononcé est fixé au 3 mars.