Sandra et José s’en tiennent mordicus à leur version, même si, au vu des éléments du dossier, elle se dégonfle. Le prévenu apparaît de plus en plus comme la victime d’une machination.
«Il a fait ce qu’il a fait et il est parti.» Le témoignage de Sandra a repris ce lundi à la barre de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et est toujours aussi laborieux que jeudi dernier. Acculée par la juge, elle se défile, répond à côté, tente de détourner l’attention pour gagner du temps ou perdre son auditoire. Petit à petit, elle perd de sa superbe, cogne des talons de ses chaussures vernies, gesticule, hausse le ton. La présidente de la chambre criminelle lui cite des passages des dépositions de José qui infirment ses propos. Elle tombe des nues, mais ne se dégonfle pas.
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La présidente lit des messages dans lesquels le couple aurait évoqué des stratégies pour faire «sortir le prévenu de sa voiture». Le prévenu avait indiqué que José l’avait à de nombreuses reprises suivi en voiture. José aurait écrit à Sandra : « Si cela se passe mal, nous pouvons être coincés tous les deux.» «Une chose est certaine, je n’ai frappé personne. J’étais simplement témoin», rétorque-t-elle. «On a l’impression que vous cherchiez à provoquer une agression», note la présidente.
Le soir du 19 novembre 2017, à Niederkorn, Fernando, 58 ans, aurait battu et blessé José, le compagnon de son ancienne petite amie, avec un manche à balai ou une barre de fer et lui aurait porté des coups avec un objet pointu comme une lime ou un pic de cordonnier. Des armes qui n’ont pas été retrouvées à ce jour. Le prévenu aurait perdu pied quand le couple lui aurait barré la route et l’aurait insulté. Les versions s’affrontent et se contredisent.
Qui a agressé qui? Fernando va-t-il passer du stade de prévenu à celui de victime d’une machination destinée à le pousser à l’action? Sandra, décrite à la barre par la sœur de Fernando comme une manipulatrice, semble s’accabler elle-même. À bouts d’arguments, face à la lecture des messages échangés avec José par Me Veneau, l’avocat de la défense, elle finit par lancer : «Il veut m’énerver, mais il ne va pas réussir.»
L’avocat progresse pas à pas. Il lui demande si elle n’aurait pas commandité une attaque contre Fernando auprès de José. Elle aurait par le passé demandé à Fernando de passer son ancien mari et son ancien patron à tabac. Il conclut en avançant qu’«elle aurait eu peur que le prévenu ne révèle à son gendre qui la logeait, qui elle était» et que donc «il fallait l’en empêcher». L’avocat avance l’hypothèse que Sandra aurait craint que son gendre ne s’emporte en apprenant qu’elle avait eu des rapports sexuels avec le prévenu sous son toit.
«J’ai pensé qu’il allait me tuer»
«Elle allait à l’église. Les gens qui vont à l’église ne parlent pas mal», a indiqué José ce lundi. Fernando, lui, serait «un homme dangereux» et «jaloux». Il aurait suivi le couple en voiture tous les soirs jusqu’au domicile de José et l’aurait insulté à plusieurs reprises et menacé. José aurait informé la police de ce harcèlement. «J’ai pensé qu’un jour il allait me tuer», a témoigné le quinquagénaire amoureux. Le couple s’était rencontré moins de deux mois avant les faits.
Certains des propos de José à la barre ne correspondent pas à ceux qu’il aurait tenus aux policiers et au juge d’instruction, a relevé la présidente de la chambre criminelle. Comme sa compagne, lui aussi aurait oublié certains détails des faits au fil des années. Il serait sorti de voiture «pour voir ce que Fernando voulait» et ne l’aurait pas frappé avec un nerf de bœuf. Interrogé à son tour sur les messages échangés avec Sandra, il a répondu ne jamais avoir «dit cela ou même pensé cela». «Peut-être que Fernando a dit cela. Sandra ne m’a jamais dit une chose pareille», avance-t-il, ou encore : «Je ne sais pas ce que cela veut dire.» Sandra lui aurait dit lui être reconnaissante «pour le reste de la vie» s’il l’aidait.
«Écoutez, si vous ne nous aidez pas, on va s’imaginer des choses, c’est tout», l’encourage la présidente. «Je n’ai jamais vu cela. Je ne suis pas au courant de cela», s’entête José. Le couple aurait réfléchi à changer de stratégie parce que «Fernando ne sort pas de voiture», selon le contenu d’un des messages. Au juge d’instruction, José aurait pourtant dit avoir souhaité qu’il sorte de voiture pour «pouvoir voir son attitude et pouvoir appeler la police», lui a rappelé la présidente. «Je voulais qu’il provoque un assassinat, parce que la police avait dit qu’elle ne pouvait pas intervenir pour le harcèlement», lit la juge à un José qui semble toujours aussi confus. «La réponse à cette histoire, on l’a», assène-t-elle à un José qui paraît de plus en plus penaud.
À sa sortie de détention préventive, Fernando aurait continué de harceler le couple, a affirmé José dans une ultime tentative de défense. «Et vous avez porté plainte à la police?», interroge la présidente. José ne se souvient plus très bien. De nombreuses questions ont été posées ce lundi, mais les deux témoins y ont apporté peu de réponses éclairantes. L’affaire se poursuit cet après-midi avec notamment le témoignage du prévenu.