Le quadragénaire qui avait tué sa compagne fin juin 2018 à Schifflange a été condamné, jeudi après-midi, pour meurtre. Conformément aux réquisitions du parquet. La chambre criminelle a assorti 5 ans de sa peine de réclusion du sursis.
Ce n’était pas son compagnon. Ce n’était pas non plus son mari. C’était Luís. Voilà comment elle appelait l’homme qu’elle avait rencontré en 2016 devant la porte du CHEM alors qu’elle était en psychiatrie. Cette voix s’est éteinte le 30 juin 2018 au petit matin. Car il l’a étranglée dans sa petite chambre de son logement social à Schifflange.
«Là où une personne normale aurait décidé de partir, il est resté. Sa colère, sa rancune, sa frustration, il les a déchargées sur sa compagne, entraînant les conséquences que nous connaissons.» Dans son réquisitoire, le représentant du parquet avait, par ailleurs, parlé d’un homme qui se «focalise sur ses propres blessures d’amour propre».
La relation que l’homme, âgé aujourd’hui de 41 ans, avait dépeinte à l’expert psychiatre était loin d’être rose. Elle était non seulement entrecoupée de disputes, mais il y avait également le problème de cohabitation avec la fille adolescente qui vivait avec eux. Celle qui, selon ses dires, lui «disait à peine bonjour et au revoir» et était un peu «comme une princesse» pour sa mère. Il aurait eu du mal à trouver sa place, se sentait blessé, avait encore confié Luís à l’expert. Mais il n’avait pas perdu espoir. Il pensait que cela pourrait s’arranger avec cette «femme très gentille, mais qui crie beaucoup».
Armée de beaucoup de patience, la 13e chambre criminelle avait tenté de comprendre comment il en était arrivé à ce geste fatal. Pas toujours facile d’y voir clair dans son récit de la relation qu’il menait avec cette femme. Quand il avait emménagé chez elle à Schifflange, il y avait eu quelques frictions avec sa fille adolescente. Il y avait également la fête de Noël 2017 qui avait mal tourné à cause des figurines sur un gâteau qu’il avait osé déplacer… Mais pas un mot sur les insultes et les scènes de dénigrement telles qu’elles figurent au dossier. «À part une dispute à cause d’une salade qu’il n’y avait plus dans les rayons du supermarché…, on n’a pas entendu grand-chose», avait fini par constater la présidente.
«Le coupable, c’est moi et personne d’autre»
Luís se souvenait bien d’avoir couru dans la rue pour aller chercher de l’aide. Sur le chantier des voies ferrées à Schifflange, les mains tachées de sang, il avait annoncé, tremblant, à un ouvrier : «Je crois que j’ai tué quelqu’un.» Les secours dépêchés sur les lieux avaient découvert la femme de 45 ans étranglée gisant sur son lit.
Face aux juges quelques sanglots et soupirs avaient accompagné ses bribes de souvenirs. Mais pour le reste il ne se rappelait pas grand-chose. À part qu’il avait «mis (s)a main gauche derrière sa tête et (s)a main droite sur sa bouche pour qu’elle arrête de parler…» Il avait évoqué un trou de mémoire après avoir pris la victime par la gorge. Pour cette amnésie, les médecins n’avaient toutefois pas d’explication.
Au bout des deux jours de débats, Luís avait fini par jeter un regard vers l’arrière de la salle où la fille de la victime avait pris place : «J’ai enlevé plus qu’une mère à cette princesse. Je sais que cela ne sert à rien de te demander des excuses…» «Le coupable, c’est moi et personne d’autre», avait-il insisté une dernière fois avant de quitter la salle menotté sous escorte policière.
«Pour un étranglement provoquant l’asphyxie, il faut exercer une pression pendant un certain laps de temps.» Pour le parquetier, c’était une preuve que le prévenu avait bien l’intention de donner la mort. C’est donc le «meurtre», puni par la réclusion à vie, qu’il demandait de retenir. L’expert avait constaté qu’il était en pleine possession de ses moyens. Et à part ses aveux, le parquet n’avait détecté aucune circonstance atténuante.
30 000 euros alloués à la fille de la victime
Les juges ont finalement condamné, jeudi après-midi, le quadragénaire, qui depuis son arrestation dort à Schrassig, à 30 ans de réclusion. Conformément aux réquisitions du parquet. Cinq ans de cette peine sont assortis du sursis.
La fille de la victime, qui s’était constituée partie civile lors du procès, se voit allouer 30 000 euros de dommages et intérêts. Luís a la possibilité de faire appel contre le jugement. À noter qu’en raison de la crise sanitaire, ce délai d’appel de 40 jours est actuellement suspendu.
Fabienne Armborst