Assassinat, meurtre, mort suspecte ? Le prévenu s’est réveillé à côté de son épouse qui ne respirait plus le 8 novembre 2019, au petit matin, à Differdange. Une étrange affaire.
Le couple était seul dans son appartement avec son chien. Le médecin du SAMU trouve le décès suspect et prévient la police. Le prévenu, lui, prétend ne plus se souvenir de rien. S’il devait s’avérer coupable, c’est parce qu’«un autre lui» aurait agi à sa place, guidé par des voix.
«Il avait raconté au médecin du SAMU qu’il avait déjà tenté d’étouffer son épouse en 2012», s’est souvenu mardi matin, un commissaire de police. «Cela a tout déclenché.» Le policier a pris la décision de prévenir le parquet qui avertit les polices judiciaire et technique, ainsi qu’un légiste. L’appartement est passé au peigne fin. Une juge d’instruction se déplace, des scellés sont posés, les ordinateurs et téléphones du prévenu et de son épouse sont saisis.
L’autopsie confirme la mort suspecte déjà relevée par le médecin. Sur le certificat de décès, il avait écrit «morte de cause inconnue et suspecte». Quelques jours après les faits, le prévenu âgé de 70 ans aurait demandé à être interné dans un service de psychiatrie, raconte une enquêtrice de la police judiciaire. «Il aurait dit à sa fille que les mots de son épouse lui demandant d’arrêter ne lui sortaient pas de la tête», a expliqué l’enquêtrice à la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ce mardi. À sa sœur venue lui rendre visite à l’hôpital, il aurait dit s’être levé cette nuit-là, s’être senti mal, puis s’être réveillé dans le lit conjugal à côté de son épouse inanimée. Il aurait également évoqué les sacs en plastique trouvés au pied du lit et cachés à la cave.
Le contexte de ce crime est particulier. Les protagonistes souffrent de dépression ou de bipolarité depuis de longues années. Le prévenu aurait fait plusieurs tentatives de suicide et verrait des personnes décédées. Il se serait confié à ce sujet dans des lettres. Le 16 février 2020, son épouse lui serait apparue pour la première fois et lui aurait dit lui pardonner son geste. Elle aurait compris qu’il n’avait pas agi de son plein gré.
Sa fille, décédée après les faits, lui serait apparue plus tard, ainsi qu’une certaine Jo. Il s’agirait de la mère d’une jeune femme avec laquelle il aurait flirté avant de rencontrer son épouse et qui lui aurait donné une fille. Toutes deux seraient décédées dans un accident de voiture en France. Jo en aurait voulu au prévenu de ne pas avoir épousé sa fille et l’aurait peut-être poussé à tuer son épouse, aurait-il expliqué dans ses nombreux courriers.
Raymond aurait suivi des voix
Ces dons médiumniques laissent sceptiques son entourage. Raymond apparaîtrait de plus en plus comme un mystificateur. Son fils, interrogé par la police, a évoqué des contradictions manifestes dans les propos écrits par son père. Il se serait notamment fait le porte-parole de la victime qui aurait souhaité que son fils témoigne en faveur de son père au procès. Le prévenu lui aurait également dit que la victime se serait recouvert le visage d’une serviette éponge et d’un sac en plastique pour mieux respirer pendant son sommeil. Se sentant manipulé, il aurait coupé les ponts avec son père.
Tout comme sa sœur et sa tante qui auraient vu dans ces visions un moyen de tenter de se disculper sachant qu’il n’en serait pas à son coup d’essai. En 2012, il aurait tenté une première fois de tuer son épouse en l’étouffant. «Il lui aurait dit vouloir la délivrer de ses problèmes aux hanches et la suivre peu de temps après», témoigne l’enquêtrice.
Raymond ne serait pas fou. Il serait, selon les experts psychiatres responsable des ses actes. Une hypothèse pour sa mémoire défaillante concernant les faits pourrait être un profond refoulement. Ses visions, «ses manipulations surnaturelles», comme il les nomme, ne proviendraient pas d’une psychose, mais seraient un moyen développé par son psychisme «pour trouver des explications et l’absolution» ainsi que se distancer de l’acte.
Sans réminiscences, point de pistes pouvant mener à un mobile si l’enquête ne parvient pas à en dégager. Les enquêteurs et les experts ont évoqué une frustration sexuelle. Raymond aurait été dominant sur le plan sexuel et jaloux des autres hommes. Il aurait appris d’une de ses visions que sa femme l’aurait trompé avec un autre homme.
Une autre piste financière, celle-là, se dessinerait. Le prévenu aurait modifié le testament de sa belle-mère et aurait transféré de l’argent du compte commun sur un compte à son nom. Il aurait également prévu un avenant au testament du couple demandant à une voisine de s’occuper du chien si le couple venait à disparaître ensemble.
Sophie Kieffer