« Il est la mèche, elle est l’allumette ». Avec la mort de Michel Fourniret, son ex-épouse Monique Olivier devient la dernière clé des énigmes laissées par le tueur en série et le seul espoir pour quatre familles de disparues de voir un jour se tenir un procès.
Aujourd’hui âgée de 72 ans, elle était garde-malade à Nîmes quand l »Ogre des Ardennes » est entré dans sa vie il y a près de 35 ans. Elle en a divorcé en 2010, depuis la prison, après avoir été condamnée comme complice de ses assassinats.
« On perd un atout » avec le décès de Michel Fourniret, « mais on peut continuer à avancer car il reste Monique Olivier », souligne Me Didier Seban, avocat de parties civiles dans plusieurs dossiers de disparitions, dont celui d’Estelle Mouzin.
Seule dans le box des accusés, « elle va focaliser toutes les attentions » désormais, prédit Me Richard Delgenes, qui défend la septuagénaire. La détenue est mise en examen pour « complicité » dans quatre disparitions : Marie-Angèle Domece à 19 ans (1988), Joanna Parrish à 20 ans (1990), Lydie Logé à 29 ans (1993), Estelle Mouzin (2003) à 9 ans.
Les aveux de Michel Fourniret sont le plus souvent arrivés après qu’elle se soit enfin décidée à parler. « Il avait toujours réagi à ses dépositions, pour confirmer ou infirmer », observe Me Delgenes, se demandant si le fait de rester la seule protagoniste à répondre de ces crimes ne risque pas de la « bloquer » pour parler à l’avenir.
Son « fauve », sa « mésange »
Au milieu des années 1980, Michel Fourniret, alors en prison pour viol, cherche à correspondre et passe une petite annonce dans Le Pèlerin, un hebdomadaire catholique. Déjà mère de deux enfants, Monique Olivier – dont certains experts soulignent l’intelligence remarquable – échange plus de 200 lettres avec celui qu’elle appelle « son fauve ». Lui la surnomme « sa mésange ».
Dès le début s’esquisse « un pacte satanique », selon les avocats des parties civiles : le dessinateur industriel parle sans cesse de son obsession des jeunes vierges, un fantasme avec lequel elle accepte de composer. « J’étais tellement seule à l’époque », répètera-t-elle en 2008 à son premier procès aux assises. « Je me raccrochais à quelqu’un ».
Elle est alors condamnée à la perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 28 ans pour complicité dans quatre des meurtres de son mari et le viol en réunion d’une jeune fille. Elle écopera en 2018 d’une deuxième peine de 20 ans de réclusion pour un cinquième meurtre, crapuleux cette fois.
11 décembre 1987 : Michel Fourniret est sorti il y a quelques semaines de prison et le couple s’est installé dans l’Yonne. Pour le viol et le meurtre ce jour-là d’Isabelle Laville, 17 ans, la femme au physique passe-partout joue un rôle actif. Monique Olivier fait monter l’adolescente dans le véhicule, aide à la droguer et va jusqu’à stimuler sexuellement son mari pour le viol.
Pacte ou diktat ?
« Jusqu’où avait-elle pris conscience de ce qu’elle déchaînait ? », s’interroge Me Alain Behr, avocat de la famille de cette première victime. « Pour moi, elle était l’étincelle de ce baril de poudre, elle canalisait et scénarisait les fantasmes de Fourniret, comme si elle était allée chercher au fond de son cerveau tout le mal qui s’y trouvait », dit-il.
A partir de 1988, Monique Olivier, qui a eu un fils avec Fourniret, bascule dans une vie d’aisance mais aussi de dissimulation. Le couple, enrichi par le vol d’une partie du magot du « Gang des postiches » s’achète notamment le château du Sautou, dans les Ardennes.
Désormais Michel Fourniret demande « deux vierges par an ». Les meurtres sont commis « à quatre mains », assurent les avocats des parties civiles. Me Delgenes assure que sa cliente était au contraire victime d’un « diktat criminel ». C’est en tout cas elle qui mettra un terme définitif à la trajectoire du tueur. Le 29 juin 2004, alors que Michel Fourniret est interrogé depuis un an, Monique Olivier livre aux enquêteurs une première liste de victimes. Le pacte se fissure.
« Depuis de nombreuses années, c’est elle qui a repris la donne », notait dès 2019 l’expert psychologue Jean-Luc Ployé. Ainsi, dans l’affaire Estelle Mouzin – dont Fourniret a reconnu le meurtre – c’est encore Monique Olivier qui, 18 ans après, distillait en avril dernier de nouveaux détails et guidait les enquêteurs pour tenter de retrouver, en vain, le corps de la fillette dans une forêt des Ardennes.
LQ/AFP