En première instance, le dirigeant de Multiplan chargé de la réalisation du Belval Plaza avait écopé de 5 ans de prison, dont 3 avec sursis, et de 100 000 euros d’amende. Le parquet général demande à la Cour d’appel de confirmer cette peine.
«La peine de prison est cruelle au vu de la personnalité et de l’état de santé du prévenu», avait plaidé Me Mickaël Mosconi à l’ouverture du procès en appel de Cornelis V. (69 ans) il y a deux semaines. «Seuls son âge et son absence de casier judiciaire justifient le sursis partiel», a répliqué, lundi après-midi, la représentante du parquet général.
Ce qu’elle avait laissé entendre dès la première audience, elle l’a bien requis au cinquième et dernier jour des débats : la confirmation des 5 ans de prison, dont 3 avec sursis, et des 100 000 euros d’amende. «La peine prononcée par les premiers juges est légale et adaptée aux faits», a-t-elle estimé, soulevant l’absence de «repentir et regrets» du prévenu : «Il continue de vouloir se décharger.» «Il s’est servi dans les caisses des sociétés», n’a-t-elle pas non plus manqué de souligner au cours de son réquisitoire.
Le vin, les œuvres d’art et la Mercedes
Le dossier regorge de sommes faramineuses. Le dirigeant des sociétés Multiplan est en effet poursuivi pour avoir détourné plus de 20 millions d’euros entre janvier 2007 et mars 2010 lors de la réalisation du projet Belval Plaza. Les premiers juges avaient condamné l’homme d’affaires pour abus de biens sociaux et blanchiment-détention.
L’enquête avait aussi mis au jour des frais de vin chiffrés à 29 000 euros, 330 000 euros d’œuvres d’art, 77 000 euros pour une Mercedes immatriculée aux Pays-Bas…. «Aucun lien avec l’intérêt social : la réalisation du projet Belval Plaza», a insisté la représentante du parquet général. Enfin, il y avait des frais d’hôtel et l’acquisition d’un avion et d’un hélicoptère. Mais pour ces deux derniers points, le tribunal a acquitté le prévenu pour cause de doute.
Dans son jugement rendu le 31 janvier 2019, la 12e chambre correctionnelle avait, par ailleurs, ordonné la confiscation d’environ 19 millions d’euros. Elle n’avait toutefois prononcé aucune attribution pour ces montants importants saisis. Sur ce point uniquement, le parquet général propose de réformer le jugement: «À l’heure actuelle, j’estime que les représentants des curateurs ont ventilé leur demande. Le préjudice encouru par chacune des sociétés peut être chiffré exactement. On pourrait donc procéder à l’attribution des sommes saisies en Suisse aux curateurs respectifs.» À condition toutefois que les demandes soient recevables et bien fondées. Tel n’avait pas été le cas en première instance. Les six parties civiles étaient reparties les mains vides.
Absent pour l’ouverture de son procès en appel, le prévenu Cornelis V. avait fini par se présenter à la troisième audience. C’est la seule audience à laquelle il a assisté. Difficile donc d’avoir le dernier mot face à la Cour d’appel lundi. «Le dernier mot de sa défense donc», est intervenu Me Mosconi.
«Ce n’est pas un génie du mal venu au Luxembourg»
L’avocat ne manquera pas de justifier l’attitude de son client : «Ce n’est pas son intention de manquer de respect à qui que ce soit. Il a suivi les conseils de ses avocats. On a l’impression que le dialogue avec la Cour ne mène à rien. On est d’avis qu’on est mieux placés pour répondre.» Dans ses deux notes de plaidoiries – 70 pages exposées lors des débats –, la défense avait plaidé l’acquittement, au moins au bénéfice du doute. «Cornelis V. n’est pas un génie du mal venu au Luxembourg pour s’enrichir sur le dos de qui que ce soit», a conclu Me Mosconi. «Il vit avec les affres de cette poursuite depuis dix ans», ajoutera Me André Lutgen avant que la Cour d’appel prenne l’affaire en délibéré.
Prononcé le 11 novembre.
Fabienne Armborst
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