Mardi matin, lors de la reprise du procès de la mort brutale d’Ana Lopes, l’enquêteur a déballé le serre-câble découvert, route de Thionville, à Bonnevoie. La défense de l’ex-petit ami sur le banc des prévenus avait son lot de questions à poser.
Près de huit mois se sont écoulés depuis que le procès autour de la mort brutale d’Ana Lopes a été suspendu. Les enquêteurs de la police judiciaire venaient de retracer comment Marco B. (32 ans), l’ex-petit-ami de la jeune femme de 25 ans, avait atterri dans leur viseur. Les experts en génétique devaient prendre la relève quand tout s’est arrêté à cause de la crise sanitaire. «J’ai apporté les pièces à conviction», a annoncé la représentante du parquet lors de la reprise des débats, mardi matin. Dans une grosse caisse en carton à ses pieds, plusieurs sachets s’entassent.
C’est aux abords de Roussy-le-Village en Lorraine que le corps calciné d’Ana Lopes avait été retrouvé le 16 janvier 2017. Il n’y a pas qu’un ruban adhésif de couleur gris argenté, retrouvé à 55 mètres de la BMW incendiée, qui a alimenté l’enquête. Il y a aussi eu la découverte, quatre jours plus tard, route de Thionville à Bonnevoie, du sachet McDonald’s contenant les deux Happy Meal que la jeune femme avait achetés à 0 h 49, quelques minutes avant sa disparition. Il se trouvait entre deux véhicules garés à 40 cm d’une façade. Au vu des importantes traces de sang au sol, sur le crépi et sur les deux voitures, il s’agit de l’endroit où le ravisseur a eu raison de la jeune femme. Les enquêteurs y avaient également décelé un serre-câble… qui s’avère du «même type et de la même marque» que ceux saisis lors d’une perquisition, début mai 2017, dans le dépôt à Howald où travaillait Marco B.
«C’est une question de millimètres!»
À entendre l’enquêteur mardi, ce n’est pas un article ordinaire qu’on trouve dans des magasins de bricolage au Luxembourg. Ce qui pose problème à la défense, c’est la longueur des objets. Elle a examiné les photos sous toutes leurs coutures. «Sur le paquet de serre-câbles entamé saisi à Howald, il est écrit 718 mm, mais 719 mm ont été mesurés.» Profitant de la présence des pièces à conviction à l’audience, Me Philippe Penning a demandé à les voir de plus près. «Pour un crime capital, se prendre deux minutes pour cela n’est pas de trop.» C’est ainsi que l’enquêteur a enfilé des gants pour extraire le serre-câble noir découvert route de Thionville et le comparer à ceux saisis à Howald. «Pour moi, celui retrouvé sur le lieu du crime est un peu plus petit», conclut la défense. Pas vraiment convaincue de la méthode qui consistait à appuyer un peu sur les serre-câbles sur le banc de la salle d’audience, la chambre criminelle a suggéré que l’enquêteur remesure tous les objets au bureau : «C’est une question de millimètres!»
Un petit losange près de Kanfen qui interroge
La suite des débats s’est jouée sur le grand écran de la salle d’audience. Pour la reprise du procès, l’enquêteur avait en effet rapporté des détails sur les données de géolocalisation du portable du prévenu. Elles ont révélé des déplacements qu’il n’avait pas évoqués à la police. Sur les images projetées, on voit défiler un petit losange sur la carte. Chacun de ces points correspond à une heure et une coordonnée géographique bien précises de son itinéraire quand il portait son téléphone avec lui. C’est ainsi que l’enquêteur a pu voir que le 16 janvier en début d’après-midi, Marco B. avait quitté Luxembourg pour se rendre via l’A3 en France. De l’autre côté de la frontière, la police ne dispose que d’une donnée de géolocalisation. Pourquoi? «Il est possible qu’il n’ait pas allumé son roaming. Si le GPS de son portable n’était pas non plus activé, impossible d’avoir des données de localisation», explique un employé des nouvelles technologies de la police judiciaire.
Toujours est-il que le portable a été localisé près du bois de Kanfen, donc non loin du lieu du crime à Roussy-le-Village… D’après les calculs de l’enquêteur, il a pu y repasser. Impossible, juge toutefois la défense. «Le losange est plus proche de l’autoroute que de la sortie de Kanfen.» Et en 19 minutes de temps, il n’aurait pas pu rejoindre Bettembourg, insiste Me Penning, s’appuyant sur la donnée de géolocalisation suivante. Entre tous ces calculs et itinéraires possibles, la chambre criminelle ne s’est pas laissé dérouter. Elle constate qu’«au début, Marco B. a dit s’être rendu en Allemagne et pas du tout en France». Ce n’est toutefois pas ce que son portable indique. «Je n’ai rien trouvé indiquant qu’il était en Allemagne», a confirmé l’enquêteur, mardi.
Suite du procès ce mercredi après-midi.
Fabienne Armborst
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