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Mauvais diagnostic : un médecin comparaît pour homicide involontaire


Le médecin est poursuivi pour homicide involontaire alors qu'un soir de garde, à l'hôpital de Niederkorn, son mauvais diagnostic a entraîné le décès d'une jeune femme de 28 ans. (photo Google Maps)

Sylvie est morte le jour de ses 28 ans, après avoir été hospitalisée à Niederkorn pour d’atroces douleurs abdominales. Elle souffrait d’une strangulation de l’intestin grêle non diagnostiquée. La famille a porté plainte contre le gastroentérologue qui, selon elle, n’a pas été au bout de ses recherches pour établir son diagnostic. Le médecin comparaît, onze ans plus tard, pour homicide involontaire.

Le procès qui s’ouvre ce mardi matin et qui doit occuper toute la semaine la 13e chambre correctionnelle de Luxembourg verra un médecin gastroentérologue sur le banc des prévenus. Il est poursuivi pour homicide involontaire alors qu’un soir de garde, à l’hôpital de Niederkorn, son mauvais diagnostic a entraîné le décès d’une jeune femme de 28 ans des suites d’une strangulation de l’intestin grêle (volvulus du sigmoïde).

La famille de la victime attend depuis 11 ans ce rendez-vous devant la justice. Le frère et la sœur de la victime estiment que le médecin n’a pas fait le nécessaire en temps voulu pour sauver la jeune femme. « Le médecin nous dit qu’il lui était impossible de faire un diagnostic de certitude. Nous lui disons qu’il lui était possible de chercher, alors que tous les symptômes dont souffrait notre sœur ainsi que les examens sanguins et la radio orientaient vers une strangulation de l’intestin grêle », expliquent le frère et la sœur de la victime.

L’expertise ordonnée par le juge d’instruction va dans ce sens également. Le contre-expert aussi, mais il nuance la responsabilité du médecin et, au lieu de parler d’un défaut de prévoyance, qui serait à l’origine de l’homicide involontaire, invoque une erreur de diagnostic, qui limite l’action en justice à la simple responsabilité civile du médecin. Mais les plaignants veulent en faire un exemple, eux qui s’interrogent sur le sens du mot «urgence» en médecine.

Opérée bien trop tard

Le malheur remonte au 24 janvier 2004. Ce jour-là, vers 14h30, Sylvie est prise d’un malaise, souffre de douleurs violentes et subites à l’abdomen accompagnées de vomissements et de diarrhées. Elle appelle son compagnon qui vient aussitôt la chercher à Metz où elle se promène pour la ramener à la maison, à Niederkorn. Les douleurs persistent et le couple décide de se rendre aux urgences.

Il est 19h ce samedi soir, quand la victime arrive à l’hôpital de Niederkorn où elle est reçue par un urgentiste achevant son service. Le second, qui prend son service à 20h, ordonne une prise de sang et une radio de l’abdomen. Devant les résultats qui lui paraissent inquiétants, il fait hospitaliser la patiente et appelle le médecin gastroentérologue de garde à 21h30 pour lui signaler le cas de Sylvie. Il lui demande de venir dans l’heure.

Le médecin, qui réside à 5 minutes de route de l’hôpital, arrive à minuit et trouve la patiente assommée par les antidouleurs. Une seconde analyse sanguine est encore plus alarmante. Le médecin spécialiste ordonne alors un scanner «urgent» pour 6 h le lendemain matin. Il diagnostique en attendant une gastroentérite et prescrit, entre autres, du Tranxène. Dans ses notes, il écrit tout de même le mot «bride» suivi d’un point d’interrogation. C’est un autre nom pour le volvulus du sigmoïde. « On voit bien qu’il avait des doutes, qu’il a envisagé cette possibilité, mais il n’a pas ordonné de scanner immédiat, alors que notre sœur avait de grandes chances d’être sauvée si elle avait été opérée sur-le-champ », raconte amèrement la famille.

Le médecin quitte l’hôpital au bout d’une petite heure. Les infirmières relèveront un niveau de douleur très élevé sur la fiche de la patiente. À 5h30, Sylvie fait un arrêt respiratoire, une demi-heure avant le rendez-vous pour le scanner «urgent». Elle sera réanimée et stabilisée avant de pouvoir passer au scanner, qui révèle la strangulation de l’intestin grêle. Elle sera opérée en urgence par un chirurgien qui lui enlève 217 centimètres d’intestin. Mais trop tard. Le mal est fait, les sécrétions toxiques ont fait leur œuvre.

Sylvie est plongée dans le coma. Un scanner de la tête révèlera que l’arrêt respiratoire a provoqué un œdème cérébral. Elle est en état de mort clinique, on ne peut plus la sauver. Elle décédera le 29 février 2004, le jour de ses 28 ans.

Les débats qui s’ouvrent ce mardi devant la 13e chambre correctionnelle vont devoir apporter des réponses à la famille. Pour sa défense, le gastroentérologue déclare que rien ne penchait pour un volvulus de sigmoïde. Les experts en discuteront, précisément.

Geneviève Montaigu