Le parquet a requis une peine de douze ans de réclusion, vendredi, à l’encontre d’une quadragénaire poursuivie pour tentative de meurtre sur son mari.
Les faits reprochés à la prévenue Jeanette J. (44 ans) remontent au 26 juin 2014. Ce soir-là vers 23h dans leur salon au Kirchberg, elle avait poignardé son mari avec un couteau de cuisine de 29 cm sorti du lave-vaisselle quelques instants plus tôt. La victime avait survécu, mais d’après le médecin légiste « dans son malheur, elle a eu de la chance ».
À la barre, la quadragénaire a expliqué avoir voulu se suicider. Mais quand, dans le couloir, elle a rencontré son mari, elle l’a poignardé. « Ce n’était pas mon intention de lui faire mal. Je voulais me faire du mal à moi-même », a-t-elle insisté vendredi lors du quatrième jour de son procès.
« Il existe un doute quant à l’intention criminelle de Jeanette J. d’attenter à la vie de son mari. Je demande de l’acquitter de la tentative de meurtre », a plaidé Me Philippe Stroesser. L’avocat à la défense de la prévenue relève au moins six éléments qui sont de nature à établir qu’elle n’a pas eu l’intention de tuer son mari. Selon lui, malgré leurs problèmes relationnels récurrents, il n’y a jamais eu aucune menace physique ou verbale de la part de sa cliente. « Le jour des faits, elle cherche un appartement sur internet. C’est ça qu’elle a en tête, non pas de résoudre le problème avec la violence. »
Me Stroesser argumente que si sa cliente avait le couteau sur elle, c’était pour l’utiliser contre elle-même. Il rappelle que quelques minutes avant le drame, elle était en contact avec sa sœur aux États-Unis. « Elle lui dit qu’elle va se suicider et elle envoie un mail avec tous ses codes de compte bancaire. On ne va pas dire que c’est une mise en scène. C’est du sérieux. »
Le rapport d’expertise du psychiatre retient qu’au moment des faits, Jeanette J. était atteinte d’une grave dépression – «des troubles mentaux ayant gravement altéré son discernement». « Elle ne s’est pas rendu compte, lorsqu’elle a porté le coup, qu’il y avait un risque réel », en conclut Me Stroesser. Autre élément crucial pour la défense, c’est que le mari victime a répété à la barre qu’il ne pense pas que son épouse voulait attenter à sa vie. Et qu’il ne s’est pas constitué partie civile.
Le parquet doute de l’intention du suicide
Alors que la défense demande d’accorder un large sursis à sa cliente, soit une peine qui ne ferait pas obstacle à ce qu’elle retourne aux États-Unis, le parquet estime qu’il y a bien lieu de retenir la tentative de meurtre. Dans son réquisitoire, le substitut Yves Seidenthal constate que les déclarations de la victime dans le dossier comme au tribunal sont toujours restées les mêmes. À la différence de celles de la prévenue. « Les déclarations de Madame concernant les faits sont à considérer avec précaution , juge-t-il. Elle n’hésite pas à faire de fausses déclarations pour donner une meilleure image d’elle-même. » Le parquet relève aussi l’absence de prise de conscience de la prévenue. « Elle se voit toujours comme victime. »
D’après le substitut, plusieurs indices démontrent que Jeanette J. avait l’intention de tuer son mari : « Elle ne l’a pas seulement poignardé, elle a fait consciemment un pas en avant. » Il parle d’un geste déterminé sans désistement volontaire : « Après l’avoir poignardé, elle n’a pas lâché le couteau aussitôt. »
Enfin le parquet estime que l’intention de se suicider doit être remise en question. « Même si on n’exclut pas cette intention, cela n’empêche pas qu’elle ait eu l’intention de le tuer et de se suicider après. »
La peine maximale prévue par le code pénal pour une tentative de meurtre se situe entre 20 et 30 ans de réclusion. Étant donné que les experts ont conclu que la prévenue n’était pas complètement responsable de ses actes (art. 71.1), le parquet est d’avis qu’elle peut bénéficier de circonstances atténuantes. Il a fini par requérir douze ans de réclusion à l’encontre de la prévenue.
Prononcé le 20 octobre.
Fabienne Armborst